Tu portes bien ton costume. Celui que t'as fournis l'hôtel quand t'es arrivé pour ton premier jour. T'aurais préféré pouvoir mettre ce que tu veux mais faut les assumer les cinq étoiles. Ton patron veille à ton comportement comme un chien de garde, ça t'emmerde mais tu dis rien parce que t'as besoin de l'argent que tu gagnes à faire le guignol devant cet hôtel en attendant que les clients avancent les bagnoles que tu pourras conduire juste quelques minutes le temps de les mettre au parking. T'ajustes correctement ta cravate puis sors de ta chambre sûr de toi. Presque oubliée la Kayla, oui, elle et son mec ne pourriront pas ton séjour à Capri, non, elle partira aussi vite qu'elle est arrivée et tu tacheras chaque instant de te souvenir pourquoi tu l'as quitté. T'as peur cependant que ces raisons ne soient pas suffisantes, tu aimes ta Shea et même si t'essaye de te convaincre que tu n'aimes plus Kayla, c'est faux. Et malheureusement, elle continue de croiser ta route quand tu t'y attends le moins... Comment résister ? Courage. Tu te diriges vers l'entrée de l'hôtel où se trouvera ta place d'ici deux minutes. Ton collègue est déjà là, vous êtes toujours deux ici, histoire d'assurer une présence à chaque instant. "T'es en retard." Qu'il commente en te regardant de haut en bas, le regard emprunt de jugement. Tu jettes un oeil à ta montre. "Ta gueule, j'ai encore une minute !" Tu lui lances avant de lui asséner un léger coup de point dans l'épaule pour le saluer. Personne à l'horizon, la matinée promet d'être longue... Ce n'est que vingt minutes après le début de ton service qu'une voiture apparaît à l'horizon marquant le début d'un combat sans merci pour savoir lequel d'entre vous aura le plaisir d'animer sa journée maintenant. Tu gagnes, tu gagnes toujours. Tu te places juste devant le dernier parterre de fleurs, à l'endroit même où tu es censé ouvrir la porte du conducteur pour le saluer et l'aider à s'extraire de sa voiture. T'as compris le principe maintenant, t'es devenu un pro mais t'es pas sûr d'avoir envie de mettre ces compétences sur ton CV. La voiture s'arrête, tu te penches, tu poses la main sur la poignée, t'ouvres. Merde. Tu lâches tout instantanément, tu t'y attendait pas. Son visage, son sourire, c'est quoi cette voiture ? T'es maudis, pas d'autre solution ! Tu l'évites depuis que tu l'as aperçu la première fois. Mais tu t'es battu pour garer SA voiture. T'as du faire quelque chose de vraiment lamentable pour mériter ça. 

Un oeil, puis l’autre. Un étrange cauchemar l’avait réveillée. Pendant quelques instants, Kayla se colla à son copain. C’était son réflexe quand quelque chose lui faisait peur. Il dormait, il était tranquille. Elle jeta un coup d’oeil au radio-réveil posé sur la table de chevet, seule clarté dans l’obscurité de la pièce. Il était un peu tôt, mais elle savait qu’elle ne réussirait pas à se rendormir. Elle attendit un peu, mais elle savait aussi que Javier ne se lèverait pas avant un bon moment. Elle décida donc de se glisser hors du lit, d’aller se doucher, d’enfiler des vêtements pour aller se promener et de laisser un petit mot. Elle ne se levait pas souvent tôt, mais quand c’était le cas, à Séville, elle aimait aller se promener, souvent à vélo. Elle regardait la ville s’éveiller. Elle allait faire la même chose. C’était joli, ici, il fallait qu’elle en profite un maximum. Elle décida de sortir la voiture et d’aller là où bon lui semblerait. Et de revenir avec de la nourriture pour lui. Elle resta un bon moment à l’extérieur, appréciant d’autant plus sa balade parce qu’elle savait que son temps à Capri était compté. Enfin, elle revint à l’hôtel, enchantée de sa promenade, sachant déjà tout ce qu’elle allait raconter à Javier. Elle s’arrêta devant l’entrée de l’hôtel ; un employé viendrait garer la voiture. Elle pouvait très bien le faire elle-même, d’ailleurs, mais puisque c’était comme ça, dans un hôtel cinq étoiles… Balayant la voiture du regard, la blondinette vérifia qu’elle n’avait rien oublié. La porte s’ouvrit avant même qu’elle n’aperçoive le gars qui s’était approché. Un sourire vint éclairer son visage et elle s’apprêtait à le remercier et à sortir quand la portière se referma brusquement. Elle eut soudain l’impression que son coeur venait de s’arrêter de battre. Parce qu’elle l’avait reconnu. C’était lui. Aucun doute possible. Mais pourquoi ?! Kayla étouffa un juron et rouvrit la portière, peut-être un peu plus brutalement qu’elle ne l’aurait voulu. « Timo… » Elle avait soufflé entre ses dents. C’était bien lui, il était là, exactement comme dans ses souvenirs, peut-être même en mieux encore. Elle s’était promis de ne plus jamais lui adresser la parole et elle se détestait de se sentir aussi faible face à lui. « Qu’est-ce que tu fiches ici ? » Il travaillait, bien sûr - contrairement à elle. Mais ce qu’elle se demandait, c’était plutôt pourquoi il avait fallu qu’ils se retrouvent au même endroit, sur une aussi vaste terre. Elle lui lança les clés de sa voiture, manquant un peu de la douceur qui lui était si caractéristique d’ordinaire, sentant déjà les larmes lui monter aux yeux.

Respire, respire putain. Tu te sens mal, définitivement trop mal. Tu devrais pas pourtant, c'est toi qui l'a quitté, c'est toi qui a décidé de mettre un terme à ta plus belle histoire uniquement parce que ta soeur n'arrive pas à accepter que je puisse vivre une histoire avec quelqu'un d'autre qu'elle. T'es pas prêt pour ça, non. Pas quand tu sens les battements de ton coeur jusque dans ta tête, pas quand t'as l'impression de perdre des litres d'eau chaque seconde tellement tu crèves de chaud sous ce costume maintenant que tu as aperçu son visage. Tu arrives à esquiver la porte par on ne sait quel miracle et tu la regardes sortir de sa voiture. Elle est toujours aussi belle. Tu n'as pas le droit de penser à ce genre de chose, pourtant... Tu ne peux pas t'en empêcher, c'est ta Kayla. La Kayla que tu as quitté. "Timo…" Tu retiens ton souffle quelques instants. T'aimes pas tellement ce ton là mais tu l'acceptes parce que tu comprends pourquoi tu mérites ça. Elle te déteste et ça te fou en boule. Toutes les bouteilles que tu pourras avaler avec Shea n'y changeront rien... "Qu’est-ce que tu fiches ici ?" Tu avales ta salive tant bien que mal... Ça parait plutôt évident non ? Tu fais le larbin pour des gens qui seront toujours bien plus riche que tu ne pourras l'être un jour. Tu ne dis rien, pendant quelques secondes, de trop longues secondes, tu ne sais pas quoi répondre, t'aurais pas du rester ici quand tu l'as vu... Tu le savais pourtant... Tu savais pourtant que t'arriverais jamais à passer tout ce temps sans jamais la croiser. Crétin. Tu te reprends tout à coup. "Je travaille, qu'est-ce que tu fais là toi ?" C'est la seule chose que tu es capable de lui répondre. C'est le fait de savoir qu'elle est ici avec un autre qui te rend débile. Tu attrapes les clefs au vol et les regarde comme un con. "Il est où ton mec ?" C'est sorti tout seul, tu le regrettes instantanément, tu oses lever les yeux vers elle et soutenir son regard. Tu vas t'en prendre une dans ta gueule et elle aurait raison... 

Elle s'était attendue à tout, sauf à tomber sur lui ici, comme ça. Bordel, pourquoi fallait-il que ça lui arrive à elle ? Elle se remettait à peine du choc. Ils auraient pu être n'importe où, éloignés, à des centaines de kilomètres l'un de l'autre mais non, il avait fallu qu'ils se retrouvent au même endroit. Elle avait soudain envie de s'en aller très loin. De prendre ses affaires et de se barrer. Mais et son homme ? Que dirait-il ? Cette surprise était son idée... Kayla avait l'impression de se sentir nauséeuse. Elle avait mis tellement de temps à l'oublier. Elle avait mis tellement de temps à ramasser les mille morceaux de son cœur brisé. Elle l'avait aimé, Timo, ça, oui. C'était son premier vrai copain et même s'ils n'étaient restés ensemble que huit mois, elle avait eu plus que le temps de s'attacher démesurément à lui. Elle lui avait tout donné. Et il lui avait tout repris. Sans la moindre explication. Il l'avait laissée. Laissée en lambeaux. Elle avait pleuré toutes les larmes de son corps. Et aujourd'hui encore, elle ne comprenait toujours pas pourquoi. Respire, respire. Javier était en haut, elle allait le rejoindre. Tout irait bien. Douces illusions...

Quand Timo demanda à la demoiselle où était son mec, la réaction fut immédiate. Elle fronça les sourcils et plissa les yeux, signe avant-coureurs de sa colère, ce qu'il savait parfaitement. Comment savait-il qu'elle était là avec son nouveau copain ? Le registre des clients de l'hôtel ? À moins qu'il ne les aient aperçus ? Il savait donc depuis un moment qu'elle était là, accompagnée qui plus est, non ? Cette pensée lui donna un étrange frisson. Mais au fond, ce n'était pas très important. « Dans notre chambre, il m'attend » répliqua-t-elle du tac au tac. Outch, ça, c'était pas forcément gentil à dire à son ex... En temps normal, Kayla avait rarement une parole méchante ou déplacée, du moins pas intentionnellement. Elle avait la réputation d'être une fille trop gentille, qui n'arrivait pas toujours à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Il fallait croire que le fait de revoir Timo réveillait en elle les pires instincts. Elle lui en voulait tellement. Mais en même temps, elle n'arrivait pas à le haïr et pour ça, elle se détestait profondément. Inspirant profondément, elle croisa les bras sur sa poitrine et soutint le regard de son ex-petit-ami d'un air de défi. Ce n'était pas son point fort, mais il fallait qu'elle réussisse. Il la dominait largement, mais elle parvint à ne pas flancher. « Et d'abord, j'veux pas que tu parles de mon mec. » Sa voix était assurée, mais à l'intérieur, il n'en était rien. Le revoir ramenait à la surface une foule de souvenirs qu'elle pensait avoir enterrés définitivement et qui la déstabilisaient au plus profond d'elle-même. « Parle-moi plutôt de celle qui m'a remplacée auprès de toi, tiens ! » Kay avait conscience de s'aventurer sur un terrain dangereux, mais elle n'avait pas pu s'en empêcher.

Tu sais pas exactement pourquoi t'as décidé de la défier de cette manière, ça n'a aucun sens mais t'as pas pu t'en empêcher, ça te fait chier qu'elle ait un nouveau mec. T'es jaloux de la pointe des cheveux jusqu'au bout des orteils. T'arriveras jamais à le gérer, pas maintenant, ni avec un peu d'habitude, ni jamais. Tu hais ce mec aussi sûrement que t'aime ta jumelle d'un amour inconditionnel, tellement que t'es capable de quitter tes plus belles histoires pour ses beaux yeux. C'est dire combien tu détestes ce mec en cet instant. Celui qui peut toucher sa peau, celui qui peut l'embrasser, celui qui peu profiter d'elle à toute heure de la journée quand toi t'essaye vainement de l'éviter pour ne pas ressentir cette douleur atroce qui s'est invitée dans ta poitrine. Magique Timo. Magique. Tu l'aimes pas ce regard, tu sais que t'as dis une connerie et tu le regrettes. "Dans notre chambre, il m'attend." Bim. Prend ça dans ta gueule Timo, tu l'as bien mérité. T'as envie d'aller le chercher pour lui exploser les dents. T'as jamais été d'un naturel violent et t'arrives pas vraiment à comprendre ces pulsions qui s'installent en toi. "Et d'abord, j'veux pas que tu parles de mon mec." Tu la regardes croiser ses bras sur sa poitrine, t'as envie de sourire mais tu reste de marbre. Ne parlez pas de ton mec t'as raison. T'es pas sûr de pouvoir te contrôler autrement. "Parle-moi plutôt de celle qui m'a remplacée auprès de toi, tiens !" Aïe, tu t'y attendais pas à celle-là. Ça fait longtemps que t'as pas envisagé de te mettre avec quelqu'un d'autre. T'arrives à peine à te remettre de ton histoire avec Kayla alors comment pourrais-tu ? Pourtant, comme un con, tu souris, comme ravie de partager la vie d'une femme imaginaire. Une femme qui ressemblerait trait pour trait à ta jolie Kayla. "Elle est très belle, brune, les yeux noirs." Bien loin de l'image que Kayla te renvoie. Mensonges, t'arriveras jamais à les assumer jusqu'au bout mais t'arrives pas à réprimer tout ces mots qui sortent de ta bouche dans un flot continu. "Lucie, elle s'appelle Lucie. On est très amoureux. On s'est fiancé le mois dernier." Quoi ?! Putain, t'es con, trop con pour la mériter, c'est pas plus mal finalement que vous ne soyez plus un tout elle et toi. Tu sais pas pourquoi tu dis tout ça. Pour prouver quoi ? Que t'es mieux lotit qu'elle ? Alors que tu passes ton temps à penser à ce qu'aurait été ta vie aujourd'hui si finalement t'étais passé outre les a priori de Shea pour rester avec la fille qui t'as rendu le plus heureux dans ta vie... Sale blague. Tu lèves ton regard vers ses grands yeux verts d'eau. Tu sens la détresse monter en toi, tu sais pas si elle le voit, t'espères que non, de toute façon, elle n'y comprendrait rien. "On s'offre des petites vacances ?" T'essayes de plaisanter alors que tout ton corps est en feu. Tu voudrais t'échapper, tu sens le regard de ton collègue derrière toi, ça ne lui viendrait pas à l'idée de venir te sauver ? Crétin.  

Kayla avait presque l’impression que le destin s’acharnait. C’était l’ironie du sort, la pire des blagues. Elle voulait juste profiter de son séjour avec Javier, est-ce que c’était trop demander ? En plus, Timo semblait décidé à la défier et elle n’avait même pas eu la force de ne pas se laisser entraîner là-dedans. Elle avait l’impression qu’ils étaient deux gamins, à essayer de prouver qui avait gagné le jeu d’être le plus heureux, ou le moins malheureux, après leur rupture. Elle s’attendait bien sûr à ce qu’il ait tourné la page, à la voir au bras d’une femme plus belle qu’elle, plus intelligente qu’elle, bref, avec tout de plus qu’elle. Elle ne cilla pas lorsqu’il mentionna une brune aux yeux noirs, très belle, une dénommée Lucie. En revanche, elle ne s’attendait pas à ce qu’il lui annonce qu’il était fiancé. Elle eut l’impression de recevoir une claque monumentale. Il était sérieux, là ? Peut-être qu’elle avait un nouveau copain, oui, mais lui, il allait se marier ? Désorientée pendant quelques secondes, la demoiselle s’efforça de masquer son trouble, mais elle n’était pas certaine d’y arriver. Combien de fois n’avait-elle pas rêvé qu’il lui demande sa main, à elle ? Ne lui avait-il pas susurré à l’oreille que leur histoire était la plus belle qu’il ait jamais connue ? Elle n’avait qu’une envie, le frapper. Lui montrer que même si son visage était encore plus beau que dans ses souvenirs, il méritait de s’en prendre une. Marteler son torse de coups. Mais elle inspira profondément, pour se maîtriser. Se rappeler qu’elle était une pacifiste. Même face à celui qui l’avait abandonnée alors qu’elle l’avait tant aimé. Et la vérité, c’était qu’elle ne se sentait pas assez forte pour se déchaîner contre lui. Elle avait l’impression que le sol se dérobait sous ses pieds. Elle n’avait même pas encore eu le temps de s’en remettre et de trouver quelque chose d’un tant soit peu intelligent à répondre, qu’il avait repris. Elle lui lança un regard noir. « Mon copain m’offre des vacances, oui. » Et elle n’allait certainement pas lui faire le plaisir de lui dire qu’il venait à l’instant de gâcher ses vacances. Incapable de soutenir plus longtemps son regard, elle lui tourna le dos, les bras toujours croisés sur sa poitrine, refrénant à grand-peine les larmes qui lui montaient aux yeux. « C’est pour ça que tu m’as quittée, en fait ? Pour cette Lucie avec qui tu vas te marier ? » Sa voix s’était brisée. Pourquoi était-elle aussi faible ? Ressaisis-toi, idiote. Soudain en colère, elle se retourna à nouveau et s’approcha brusquement de lui, plantant ses yeux dans les siens. Des yeux qui lançaient des éclairs. « T’aurais pas pu me le dire, tout simplement, que t’avais trouvé mieux que moi ? »

"Mon copain m’offre des vacances, oui." Son copain, bon Dieu ce que tu détestes entendre ces mots, c'était toi son copain il y a encore quelque temps. TOI. Et t'aimerais vraiment qu'il en soit toujours de même aujourd'hui. Tu fais teinter les clefs dans ta main en les regardant, fuyant son regard, prenne cette remarque de plein fouet. Tu ne te souviens pas lui avoir offert quelque chose de comparable quand t'étais avec elle. Non, toi, t'es qu'un pauvre étudiant qui travaille exclusivement pour vivre au quotidien, pas pour offrir des voyages hors de prix à ta copine, malgré toute la volonté que tu pourrais vouloir y mettre. T'es dégoûté, déçu de toi même mais tu dis rien, t'encaisses, c'est tout, parce que t'as pas le droit de rechigner, c'est ton comportement qui l'as mérité, c'est tout, tu payes ce que tu as semé... Tu relèves les yeux alors qu'elle se retourne. "C’est pour ça que tu m’as quittée, en fait ? Pour cette Lucie avec qui tu vas te marier ?" Ton coeur se serre, t'arrives pas à croire qu'elle puisse penser une telle chose de toi. Vous étiez bien ensemble pourtant, ta fidélité incomparable. Et pourtant... C'est le pire qu'elle pense de toi en cet instant. Te marier... La blague. T'as l'impression d'avoir sortis la pire grossièreté de ta vie, t'as plus rien vécu depuis que Kayla ne fait plus partie de ta vie bon sang ! Tu sursautes quand elle se retourne avec ce regard accusateur que tu n'aimes pas du tout. "T’aurais pas pu me le dire, tout simplement, que t’avais trouvé mieux que moi ?" Mieux qu'elle ? Jamais. Tu recules d'un pas, t'as besoin de distance pour continuer tes mensonges. Il fut un temps où elle lisait en toi comme dans un livre ouvert, maintenant, elle n'a plus confiance en toi... Elle n'aura plus jamais confiance en toi. T'aimerais lui dire tout ce que tu penses mais tu ne sais pas ce qui te pousse à mentir encore plus, ou à ne rien démentir plutôt... "Je suis désolé." Que tu lances, sans autre commentaire. Qu'elle pense que tu l'as trompé l'aidera sûrement plus à accepter ce que tu lui as fait... T'aimerais que Shea soit là pour t'empêcher de dire des conneries. Tu t'embourbes dans ta merde de plus en plus. Lucie n'existe pas mais elle apparaît de plus en plus claire dans ton esprit. Elle est exactement tout ce que tu ne pourras jamais épouser, parce que l'objet de tes désirs se trouve devant tes yeux, bien réelle. "Bon, j'ai du travail moi." Que tu dis, t'assumes plus rien. Tu passes juste devant elle pour s'occuper de sa voiture, comme t'es censé le faire. "J'espère que ton séjour ici sera agréable." T'as plus l'air vivant maintenant, tu ne sors plus que des banalités. T'es plus très bien faux dire, ton monde ne tourne plus rond et c'est de ta faute.

Elle ne savait plus quoi penser, plus quoi dire, plus en quoi croire. Son histoire d’amour avec Timo avait été incontestablement merveilleuse, magnifique, magique, du moins jusqu’à ce qu’il l’arrête brusquement au bout de huit mois de bonheur. Ou alors peut-être que le bonheur n’était que de son côté à elle. Non, c’était impossible. Elle ne pouvait pas croire que tout ce qu’ils avaient partagé n’était que feint. Elle ne pouvait pas croire qu’il lui mentait toutes ces fois où il lui disait qu’elle était belle, qu’il avait envie d’elle, qu’il était fou d’elle. Elle ne pouvait pas y croire, parce que c’était trop dur. Elle se souvenait encore à quel point elle aimait se précipiter dans ses bras dès que quelque chose n’allait pas, à quel point elle se délectait rien qu’à la pensée de l’embrasser et à quel point elle était fière de se promener main dans la main avec lui. Elle se souvenait parfaitement de leur première nuit passée ensemble, sa première fois, où il avait su si bien la rassurer, se montrer si doux, combien c’était naturel. Et maintenant, voilà qu’elle commençait à se dire qu’à la fin, il s’était trouvé quelqu’un d’autre, il lui parlait enfin de cette Lucie qu’elle détestait sans même la connaître. Qu’avait-elle bien pu lui faire pour qu’elle réussisse à les séparer ? Dans la tête de Kayla, aucune autre éventualité n’était possible ; au contraire, elle avait l’impression de comprendre, enfin. Quelle autre explication aurait été plausible ? On n’arrêtait pas une histoire d’amour simplement comme ça. Alors quand il lui affirma qu’il était désolé, elle se mit à rire, un rire dénué de joie. « Bien sûr, ça change tout. Ça va mieux, d'un coup » ironisa-t-elle. Et s’il s’était moqué d’elle pendant tout ce temps ? Les pensées se bousculaient dans la tête de la blondinette sans qu’elle parvienne à les contrôler. Elle n’arrivait pas à croire qu’il ait pu lui faire ça, lui qu’elle trouvait si parfait, qu’elle plaçait sur un piédestal et qu’elle adorait tant. « J’aurais fait n’importe quoi pour toi. Mais j’imagine qu’elle en vaut largement la peine » souffla-t-elle. Sa colère était retombée d’un coup. Elle était incapable de ressentir autre chose que de la tristesse. Elle ne voulait même pas le remercier parce qu’il souhaitait un agréable séjour. Un agréable séjour alors qu’il était là, sérieusement ? Foutage de gueule. Encore aujourd’hui, il s’éloignait d’elle. Il avait reculé, comme s’il ne supportait pas de l’avoir trop près de lui. Et il passait devant elle, tout simplement, mettant un terme à la conversation. La demoiselle ne bougea pas d’un pouce. « Tu sais quoi ? Laisse tomber. J’veux pas que tu gares cette bagnole. J’peux très bien le faire toute seule. Rends-moi les clés, s’il te plaît. » Elle tendit la main, attendant de les récupérer. Elle se sentait juste vidée et n’était même pas sûre de réussir à garer la voiture sans causer la moindre casse, mais elle allait bien réussir à se débrouiller, bouleversée ou pas.

L'ironie qu'elle t'offre t'agace autant qu'elle te blesse. Ça change tout, non, ça change rien, tu lui mens depuis trop longtemps, t'aimes pas ça mais tu le fais quand même, comme un putain de robot. T'aimerais t'arrêter mais tu peux plus maintenant, t'as raconté trop de cracks pour rétablir la vérité. Qu'elle croit ce qu'elle veut, le résultat en reste le même pour toi, t'as perdu plus que la guerre et tu ne comptes pas retenter l'expérience. Elle aurait fait n'importe quoi pour toi oui... Tu ne le sais que trop bien, t'aurais aimé pouvoir faire n'importe quoi pour elle aussi, comme la défendre auprès de ta moitié, non toi, tu t'ai juste écrasé comme une mouche parce que t'aime pas les batailles... Tu n'es qu'un lâche, elle a bien raison finalement de t'en vouloir. Elle ne le fait pas pour les bonnes raisons mais elle n'a pas tord... Ta copine imaginaire n'en vaut pas la peine, elle n'existe pas, elle est même en train de détruire le reste des souvenirs qui lui restait de toi. T'es dégoûté... Tellement. Elle s'énerve contre toi et tu comprends, ça t'énerve même en retour. Elle tend sa main pour que tu lui rendes ses clefs, main que tu regardes quelques secondes avant de remonter dans ses yeux. Tu sens toute la tristesse et la haine qui se dégage de son regard. T'aimerais lui dire toute la vérité mais tu te dis que la situation ne pourra que s'empirer si tu parles... Alors tu te tais et tu rigoles, comme un putain de connard arrogant. "Laisse moi faire mon taffe s'il te plait." Tu lui lances. T'as vraiment besoin d'aller garer sa voiture, t'en as besoin parce qu'il faut que tu souffles, tu peux pas supporter l'interrogatoire que va te faire subir ton collègue après ça. "C'est compris dans le prix alors va t'amuser avec ton gars, j'vais garer ta bagnole." Les mots s'échappent de ta bouche sans que tu puisses les retenir. "Je tâcherais de ne plus croiser ta route, t'en fais pas." Que tu lui dis avant de te glisser sur le siège passager. Tu mets le contact, tu descends la vitesse grâce au bouton qui se trouve sur sa gauche. "Tu bouges ? A moins que tu veuilles m'accompagner ?" T'interroge alors qu'elle se trouve sur le chemin que tu es censé prendre. Tu regrettes d'être venu ici, tu regrettes de n'avoir pas plutôt choisir un pays froid et enneigé !  

Elle ne s’énervait pas souvent et pourtant, face à lui, elle semblait incapable de tout contrôler. C’était dur, bien trop dur de le revoir. Dès la première seconde, son parfum lui avait envahi les narines, ce parfum qu’elle avait tellement aimé, qu’elle adorait sentir sur ses draps quand il devait partir, ce parfum qui imprégnait les T-shirts qu’elle lui empruntait à chaque fois. Combien de temps avait-elle mis avant d’arrêter de pleurer rien qu’en pensant à lui ? Beaucoup trop. Et après, Javier l’avait aidée. Maintenant qu’elle avait tourné la page, Kayla ne voulait plus avoir à faire à Timo. Elle voulait le détester, mais elle n’y arrivait pas, ce n’était même pas la haine, le problème. C’était juste que ça lui renvoyait ses souffrances passées en pleine face, menaçant de la replonger dans le gouffre duquel elle s’était échappé avec tant de difficulté. Elle ne voulait même pas qu’il prenne place dans cette voiture. Elle était assez grande pour le faire toute seule. Et elle n’avait pas envie de dire à Javier qu’il avait conduit cette fichue bagnole. Pourquoi n’était-elle pas allée se promener à pied, hein ? S’il travaillait là, elle allait sûrement s’arranger pour ne plus jamais venir demander la bagnole. Mais non, c’était encore pire si c’était son copain… Il pouvait se montrer assez possessif. Non, ce n’était pas une bonne idée.

Il ne lui laissa pas beaucoup le choix. Il rigolait. Pourquoi il rigolait ? Il se foutait d’elle ? Une personne normale l’aurait giflé mais elle, elle avait juste envie de pleurer. Trop, c’était trop. Elle écouta à peine ce qu’il lui disait, capta simplement qu’il n’avait pas l’intention de lui rendre ses foutus clés de bagnole. Elle commençait à sentir le regard de l’autre gars du parking peser sur eux. Il était là-bas, plus loin, il les fixait depuis plusieurs minutes, mais elle n’en avait rien à faire. Peu de choses avaient d’importance à cet instant précis. Toujours plantée au milieu de la route, la blondinette fusilla du regard celui qu’elle avait tant aimé. Bouger ou l’accompagner ? Le choix était vite fait. Non seulement ses nerfs auraient lâché, mais en plus Javier aurait sûrement fait une crise cardiaque s'il savait qu'elle s'était baladée même deux minutes dans la même bagnole que son ex. « Non merci. » Sans un regard en arrière, elle s’éloigna. Il fallait qu’elle s’isole et vite ! Elle ne pouvait pas monter rejoindre son homme maintenant, elle était bien trop bouleversée. Elle avait besoin de solitude, de retrouver son calme, de se préparer à dire à Javier qu’elle était tombée sur le seul homme qu’elle avait connu avant lui. Les vacances ne s’annonçaient pas si bien que ça.