TA GUEULE, MON COEUR

tu as oublié quand tu es arrivée, comment la soirée a commencé, et même qui t'a traînée sur la plage sur laquelle la fête bat son plein. il n'y a plus que la musique qui cogne dans ta tête et dans ton coeur, et l'alcool qui brûle tes veines, et ce garçon qui se frotte derrière ton dos sans en avoir vraiment conscience. tu danses, obnubilée par les lumières qui t'aveuglent et te font battre des cils quand tu ne fermes pas les yeux. elles te guident, elles te perdent. tu te sens mal, noa, comme souvent ces derniers temps. tu sais que tu déconnes, mae l'a dit, dani aussi, on t'a même dit que tu étais juste conne. c'est que, depuis quelques jours, il y a une ombre qui plâne sur toi inlassablement, celle d'alvaro di cesare. il obnubile un peu trop tes pensées, lui que tu as cherché à oublier après ton départ de lampedusa. jamais tu n'as ressenti un tel attrait pour un homme avant, et ne jamais le revoir était la meilleure chose qui puisse t'arriver. sauf qu'il est là maintenant, et qu'à part te cacher, boire, fumer, tu n'es plus bonne à grand chose. il faudrait se méfier, tu pourrais retomber dans ses filets et perdre ta liberté. l'amour, c'est la fin de tout. tu n'as pas besoin d'amour; tu n'as pas besoin de lui. tu repousses finalement le garçon qui te colle du plat de la main, l'air écoeuré, pour t'approcher du comptoir en bambou où le barman te demande ce que tu veux. t'aimerais bien changer un peu, tu plisses les yeux pour regarder les étiquettes, en vain. pas que tu sois ivre morte et que le monde tourne autour de toi, c'est juste que tu as oublié tes lunettes  (volontairement) et que tu n'y arrives pas). ce que tu veux. un truc original. tu lâches en te retenant au comptoir pour ne pas tomber, à moitié avachie sur la fille à côté de toi qui te lance un regard dégoûté. difficilement, tu te laisses tomber dans le sable et renverses la moitié de ton verre dedans, et relèves les yeux vers la personne qui se tient devant toi. ah tient ! tu gueules, tandis que ton coeur s'emballe dans ta poitrine. que tu sois bourrée ou non, tu le trouves beau, alvaro. il irradie comme un soleil au milieu de tes ténèbres, réchauffe ton corps gelé par tes conneries de jeune femme qui ne veut pas grandir. à la tienne ! tu cries encore en levant le verre dans sa direction, avant d'en boire une gorgée un peu trop grande et de t'étouffer. tu laisses tomber ton verre vide et t'allonges dans le sable, sans cesser de le regarder. pourquoi est-ce que vous n'avez pas encore « baisé » depuis qu'il est arrivé ? est-ce que tu ne lui fais plus d'effet ? tu lui demanderas peut-être, après. qu'est-c'qui s'passe, le beau alvaro n'a pas encore trouvé de tong à enfiler ? c'est terriblement vulgaire, tellement provocant, tellement toi. tu hausses les sourcils en le regardant et te mords la lèvre.