Inspirer, expirer. Inspirer, expirer. Doucement. Calmement, Kayla. Ne surtout pas paniquer. Pourtant, elle est à deux doigts de s’effondrer et d’éclater en sanglots. La crainte justifiée de le blesser la paralyse. Elle n’a jamais voulu lui faire du mal. Il est gentil avec elle. Elle se souvenait encore, quand elle avait commencé à fréquenter Javier. On lui avait dit qu’il était pas tout à fait pour elle, on lui avait rappelé qu’il était plutôt du genre à courir les jupons qu’à se poser à proprement parler. Elle savait qu’il y avait une part de vérité là-dedans, mais elle n’avait pas écouté. Parce qu’il était capable d’être romantique avec elle, quand il le voulait. Parce qu’il avait réussi à la séduire, un peu trop facilement peut-être, avec ses mots doux, son faux sourire angélique et sa belle gueule. Et six mois après, ça se passait plutôt bien. Il s’était montré assez généreux pour lui offrir des vacances dans un endroit paradisiaque.

Et elle, voilà comment elle le remercie… Elle a conscience que c’est la forme d’ingratitude la plus extrême. C’est justement pour ça qu’elle a envie de pleurer, comme elle n’a jamais pleuré depuis la rupture qui l’avait dévastée. Comment va-t-elle réussir à lui dire, à Javier ? Elle fait exactement ce qu’elle déteste, causer de la peine aux autres. Elle devient exactement le genre de filles qu’elle ne veut pas, une fille qui n’a pas assez de scrupules, une fille qui retourne dans les bras de son ancien amoureux alors qu’elle a nouveau copain. Une fille qu’elle insulterait volontiers… Pourtant, elle peut pas faire autrement. Elle s’en rend compte, elle l’aime encore beaucoup trop, Timo. Même en-dehors de son désir profond de renouer avec lui comme avant, elle aurait jamais pu supporter de faire semblant, de mentir à son copain, de faire comme si tout allait bien entre eux.

Elle a erré toute la journée, à deux doigts de s’arracher les cheveux. Elle lui a envoyé un sms pour qu’il ne s’inquiète pas, mais elle sait bien qu’il doit le faire un peu quand même. Elle n’a pas l’habitude de disparaître toute la journée. En sortant de la chambre de Timo, elle voulait aller tout de suite se confesser, tout lui avouer. Puis elle est restée coincée avec Shea dans l’ascenseur pendant près d’une heure et ça l’avait encore plus ébranlée qu’elle ne voulait bien le montrer. Alors, en sortant, elle est allée se promener, espérant mettre de l’ordre dans ses pensées, se planquant à moitié, cherchant les mots les moins pires à adresser à Javier. Mais maintenant, il faut arrêter. Il faut prendre son courage à deux mains, lui dire la vérité, il mérite au moins ça.

Elle est déjà presque en larmes quand elle entre dans leur chambre. Il est là, devant la télé. Il doit être perplexe, elle le sait bien. Elle le regarde. Elle est tellement désolée pour lui. Elle ouvre la bouche. Les mots refusent de sortir. Reprends-toi, Kayla. « Je… Je suis vraiment, vraiment désolée, Javier… » Elle n’arrive pas à le regarder dans les yeux. Elle baisse la tête. La culpabilité sort par tous les pores de sa peau. « Tu mérites beaucoup mieux que moi… »

Un simple sms. Un simple ne t'inquiète pas. T'as tenté de la joindre mais elle ne répond pas. Tu lui as laissé des messages vocaux, des sms. Mais rien, encore et toujours rien. Elle a compris, t'en es persuadé. Ce n'est pas possible autrement. Elle ne te fuirai pas comme ça, elle ne t'éviterai pas pendant tout une journée. T'as fait un tour dans l'hôtel, sur la plage, mais t'as rapidement abandonné. Découragé par son silence. Tampis. Ça t'agace plus qu'autre chose qu'elle ne donne pas signe de vie. Ça ne lui ressemble pas. Oui, tu te serais sûrement inquiété si elle ne t'avait pas envoyé de message, mais là était bien le problème. Un vulgaire message, avec une dizaine de caractère tout au plus. Elle est avec lui, t'en mettrais ta main au feu. Oui, t'en es sûr, elle est allée le retrouver. T'as bien vu bien qu'elle semblait si troublée par sa venue. Ce jour-là, elle avait la tète ailleurs, ne parvenait même plus à prendre du bon temps à tes côtés. Alors, disparaître pendant toute une journée... rapidement, tu secoues ta tète de gauche à droite pour effacer cette image. C'est toi qui trompe ta partenaire, pas elle. Pas elle. Alors, tu rentres dans votre chambre. Tu n'as pas la grande envie de croiser qui que ce soit, encore moins Shea. Tu tentes de te concentrer sur l'écran numérique du téléviseur. Pourtant tes pensées sont ailleurs, aussi loin que ta Séville natale. tu souffles un bon coup, agacé de la tournure que prend votre séjour. T'attends qu'elle revienne, t'attends qu'elle t'explique. Elle a certainement une bonne raison derrière cette attitude. Et puis, ce n'est pas si grave que ça. Peut-être a-t-elle simplement passé la journée avec des amies, pour une fois. Je… Je suis vraiment, vraiment désolée, Javier…, tu tournes la tète. T'étais tellement perdu dans tes pensées que tu ne l'as pas entendu rentrer. Tu fronces les sourcils, ne comprends pas vraiment. Elle baisse la tète, n'ose pas te regarder dans les yeux. Tu mérites beaucoup mieux que moi…, t'as l'impression que c'est le monde à l'envers. Ces propos, c'est toi qui devrais les tenir, pas elle. Pas elle. Tu fronces les sourcils, appréhendes la suite. Mais face au silence qui prend place, tu t'avances vers elle, comme un automate. D'un geste de main tu relèves son visage vers le tien. Tendrement. Hey... qu'est-ce-qui se passe ? Tu vas pas bien ?, tu caresses sa joue, puis sa pommette, tentes de deviner ce qui la tracasse. Tu sens ton estomac se serrer face à ce silence qui perdure. Oui, tu comprend que l'urgence de la situation, Javier, t'aimerais bien comprendre pourquoi. Kayla... regarde-moi., parle-moi, explique-moi, embrasse-moi. Ne me laisse pas face à un mur. Pourquoi est-elle désolée ? Ces paroles tournent en rond dans ta tète, comme un vieux disque rayé. T'étais prêt à l’assommer de questions, pourtant ces quelques mots te font oublier toutes tes pensées. Pourquoi les rôles sont-ils inversés ?

Riche en informations. C'est de cette manière que tu qualifierais la conversation que tu viens d'avoir avec Shea, oh ouais. Tu fais des allers et retours dans ta chambre en lançant des regards noirs à ton réveil qui fait défiler le temps beaucoup trop rapidement. Tu sais pas quoi faire, t'es partagé entre l'envie d'aller lui foutre ton poing dans sa gueule et le désir de laisser ça derrière toi. Il ne mérite pas Kayla, il ne mérite rien de tout ce qu'elle peut lui offrir. S'en est trop. Tu sors en trombe vers un ordinateur de l'hôtel pour trouver le numéro de la chambre du couple. T'en as pas vraiment le drôle mais tu t'en branles. Quatrième étage. T'y est plus rapidement que jamais, pressé de retrouver Kayla, pressé de mettre un terme à ce duo qui n'a pas lieu d'être. Tu te pensais indigne de ta douce, lui l'est encore moins et tu comptes bien la sauver des griffes de ce connard fini qui n'a pas fait qu'oser toucher la femme de ta vie. Non. Il s'est perdu d'enterrer un peu plus la vertu de ta soeur. Ta Shea. Le centre de ton existence. Tu sais pas ce qui te fait le plus rager dans tout ça. T'aurais envie de le faire disparaître. Simplement. La porte apparaît devant tes yeux. Rien que de les savoir de l'autre côté, ensemble, tout les deux, tu vois rouge. Tu ne t'annonces, pas, tu ne frappes pas, tu entres simplement, comme si tu te trouvais chez toi, comme si l'un d'eux venait juste de t'inviter gentiment à te joindre à eux. Tu les cherches du regard, tu les trouves, la haine monte en toi quand tu vois la main de Javier sur la peau de Kayla. Tu t'approches, la tête dans le guidon, tu le pousses pour l'éloigner d'elle, tu le frappes, ton poing directement dans sa mâchoire. Tu ne sens même pas la douleur dans ta main, t'es trop en colère pour ça. Ton coeur bât affreusement vite, ton regard respire la rage, tu le hais tellement, tu le déteste, t'attends plus que le moment où tu pourras le frapper à nouveau. Aller Javier, fait pas ta mauviette, tu peux encaisser plus. En tout cas, toi t'y crois et t'as besoin de te défouler sur lui. Tu n'oses pas regarder Kayla, tu sais pas si elle sait, t'en doutes, t'as bien l'intention de lui dire s'il ne le fait pas avant toi, elle mérite de savoir que son mec n'est qu'une putain d'ordure. T'es pas mieux que lui mais toi au moins, tu l'as pas trompée, non, jamais t'aurais pu la tromper.  

Il ne se met même pas en colère. Elle a disparu toute la journée, en ne lui envoyant qu’un simple sms, avant d’éteindre son téléphone portable. Elle le rejoint comme ça, comme une fleur, débitant des paroles incompréhensibles et pour le moins inquiétantes. Et lui, il ne se fâche pas. Non, il se contente de poser son regard sur elle. Elle ne le regarde pas, mais elle le sent, elle le sait. Il vient vers elle, elle l’entend approcher. Elle se passionne pour la contemplation de ses pieds. Elle redoute tellement ce qu’elle doit lui dire, sa réaction. Il posa une main sur son visage, relève délicatement le visage de la demoiselle vers le sien. Elle lève les yeux vers lui, se mord la lèvre inférieure. Il est gentil. Il caressa sa joue, sa pommette, la regarde d’un air à la fois angoissé et tendre. Elle ne veut pas lui faire du mal. Mais il sera mieux avec une autre, une qui ne pensera qu’à lui, une qui ne serait pas encore hantée par son ancien amoureux à ce point. Il est beau, il est intelligent, il est généreux ; pourquoi l’avoir choisie ? Elle s’est posé la question, au début. Et encore plus maintenant. Elle le regarde, oui, c’est la seule chose qu’elle arrive à faire, de ce qu’il lui demande. Il cherche à comprendre ce qu’elle a, le pauvre, il doit être complètement perdu. C’est déjà trop pour elle. Elle ne mérite pas ses attentions. Des larmes s’échappent de ses yeux, coulent le long de ses joues encore trop pâles. Elle veut se retenir, mais elle n’y arrive pas. « Si tu savais à quel point je… » Je quoi ? Je suis désolée ? Je regrette de t’infliger ça, alors que c’est toi qui m’as aidée à recoller les morceaux de mon coeur brisé ? Non, elle peut pas lui dire ça. C’est complètement dingue, comme situation. Comment pourrait-il comprendre qu’elle veuille retourner dans les bras de celui qui l’avait abandonnée, alors que lui, Javier, l’avait aidée à avancer ? Du moins, c’était ce qu’elle croyait. Mais elle ne peut pas lui dire qu’elle vient de comprendre qu’elle n’a jamais vraiment réussi à oublier son premier amour. Comment se sentirait-il, au milieu de tout ça ? Elle a juste envie de vomir. Elle se donne envie de vomir.

La blondinette ouvre à nouveau la bouche, la referme. Si, elle va y arriver. Il a le droit de savoir la vérité, elle lui doit bien ça. « Javier, je… » La porte s’ouvre. Dans un grand fracas. Elle sursaute. Que se passe-t-il ? Elle a à peine le temps de se retourner que brusquement, elle est séparée de son copain. Timo a débarqué. Comme une furie. Elle a à peine le temps de le réaliser que déjà, il a frappé Javier. Elle hurle. « TIMO !!! » Elle ne comprend rien à ce qui se passe, elle se met définitivement à pleurer. Sans la moindre hésitation, elle se jette devant Javier. Il ne mérite pas ça. Elle a peur qu’il la repousse, mais ce n’est pas important à l’instant précis. Elle se dit juste que si elle est là, comme ça, Timo n’osera pas taper. « Non, non, non ! Laisse-le, s’il te plaît… » Son ton est implorant, elle a peur de la réplique de Javier, peur d’une bagarre entre les deux Espagnols.

Tu sembles impuissant face à la situation. T'aimerais comprendre, retrouver un semblant de stabilité. Elle disparaît pendant une journée, éteint son téléphone portable, et revient. En larmes. T'es loin de te douter de ce qu'il se passe, pourtant, tu te fais une multitude de scénario. Les uns encore plus catastrophique que les autres. T’essuies les perles qui roulent sur ses joues rosies, t'essaies de sonder son esprit. Si tu savais à quel point je…, je ? Je quoi ? Tu te raccroches à chacune de ses paroles, essaies de lire entre les lignes. Tu ne parles pas, tu ne prononces plus aucun mot, t'attends simplement qu'elle décide de s'ouvrir. S'ouvrir à toi, comme elle l'a déjà fait par le passé. Javier, je…, tu t'imagines Kayla en braqueuse de banque, en voleuse à l'étalage, mais pas dans les bras de son ex. Celui-là même qui ouvre la porte en trombe, qui te sépare de  la belle et qui jette son poing sur ton visage. Sur le coup tu réagis pas, tu comprends pas trop ce qui se passe. Tu ressens juste une vive douleur à la mâchoire que t'attrapes d'une main comme si ça allait soulager quelque chose. Pourquoi un fou furieux débarque dans votre chambre ? Pourquoi il vient juste de te frapper ? Putain, mais ça va pas ou quoi ?!, le temps que ça monte au cerveau et tu cries. Puis t'entends Kayla qui hurle à son tour. Timo. Timo. C'est le prénom de son ex. C'est lui, il est là, dans votre chambre et il vient de te frapper. Kayla se met entre vous, et lance de nouvelles paroles mélangées à des larmes, sauf que tu n'écoutes pas tant la colère gronde dans tes veines. Tu contournes la blonde et fonces sur lui. Tes mains s'emparent de son t-shirt et s'en vraiment t'en rendre compte t'envoies son dos se plaquer contre un mur. Le choc fait tomber deux ou trois tableaux, mais qu'importe, la décoration de la chambre est loin d'être ta première préoccupation. Les doigts enfoncés dans le tissu, tu le soulèves de quelques centimètres du sol. T'as la mâchoire serrée tellement que t'as l'impression que tes molaires vont la broyer, surtout après le coup que t'as reçu. Mais t'ignores la douleur qui se propage, bien trop concentré sur le visage qui se présente à toi. Espèce d'enfoiré, tu veux quoi ? Qu'est-ce-que tu fous ici ?, que tu lances en espagnol. L’insulte brave la barrière de tes lèvres mais elle est pleinement justifiée, parce qu'au fond, tu rages, tout tes muscles sont tendus, prêt à craquer.

Ton prénom qu'elle hurle, tu l'entends à peine, assourdi par la haine que tu ressens. Tes poings sont serrés, t'attends seulement qu'il se lève pour pouvoir l'éclater une nouvelle fis et là, c'est son visage qui apparaît devant toi. Elle a les yeux baignés de larmes, elle pleure, tu comprends plus pourquoi, tu veux pas qu'elle t'empêche de le frapper. Tu veux pas lui faire de mal à elle, tu lui en as déjà trop fait, lui aussi, surtout lui. Elle te supplie mais toi, ton sang frappe dans ta tête. Non ça va pas que t'as envie de lui hurler à l'autre gars, tu voudrais qu'elle te laisse lui mettre une autre droite, qu'il comprenne ce qui l'attend s'il touche une nouvelle fois à ta soeur ou à Kayla. Tu ne le permettras pas, jamais. Tu ne la quitteras plus d'une semelle. Il se lève enfin, tout se passe trop vite, il t'attrape, te soulève, il est bien plus fort que tu ne le pensais, ça va être plus compliqué, t'as jamais été très très grand, ni même énormément musclé, t'as l'air d'un enfant face à lui, même si tu pourrais lui arracher toutes les dents malgré tout. Ton dos s'enfonce dans le mur violemment. Tes mâchoires aussi serrées que les siennes, tu pourrais lui cracher dessus maintenant, il ne mérite pas mieux. Il t'insulte en plus de ça, sans honte. T'arrive pas à croire que ta soeur ait pu se laisser séduire par lui... Qu'est-ce que tu fous ici ? Tu sais pas tellement en fait, tu t'es laissé guidé par la colère, t'aurais même pas du venir, tu sais très bien que tu devras te justifier et Kayla va s'en trouver blessée. "C'est moi que tu traites d'enfoiré ?" Tu balances, blessé dans ta dignité. Tes pieds touchent pratiquement plus le sol, tu sais très bien qu'il pourrait te démonter sans problème mais tu le repousses quand même pour pouvoir lui asséner ton poing dans le ventre cette fois. T'oses espérer que ces quelques cours de boxe auxquels tu as assisté t'auront servis à quelque chose. "Comment tu fais pour te regarder dans le miroir ?" Tu cris en t'éloignant légèrement, te rapprochant par la même occasion de Kayla. "T'as sans doute besoin que Shea vienne te rafraîchir la mémoire..." T'es dégoûté par tes propres paroles, rien que de penser aux mains de ce mec sur le corps de ta jumelle. Ça ne fait qu'entretenir ta colère... 

Javier semble à peine la remarquer, il est dans une colère noire, elle l’aurait été aussi, à sa place. Il la contourne, il se précipite droit sur Timo. Non, non, non ! C’est l’une des pires choses qui puisse arriver. Il le prend par le T-shirt, le plaque contre le mur, le soulève du sol, l’insulte. Il ne l’a pas encore tapé, mais ça ne saurait tarder. Elle hurle, elle se précipite sur celui qui est encore son copain. Elle passe les bras autour de sa taille, tente de le faire reculer, pour qu’il lâche Timo, mais en vain. Il est trop grand, trop costaud. Elle, elle sert à rien, elle peut pas empêcher quoi que ce soit et ça l’énerve, ça la fait flipper, ça la fait pleurer, un mélange des trois, mais elle a surtout peur. Elle crie, mais personne l’entend, enfin, peut-être les voisins, peut-être qu’ils vont appeler les gars de la sécurité. Elle lâche Javier, s’écarte, promène les yeux dans la chambre, cherche autre chose. N’importe quoi, tant que ça peut aider. Mais elle arrive à rien. Et Timo frappe à nouveau Javier, dans le ventre cette fois-ci. Elle gémit, comme si c’est elle qui a eu mal. Les larmes coulent sans pouvoir s’arrêter, dire que tout ça, c’est sûrement de sa faute… Elle comprend pas ce qui lui prend, à son ancien amoureux, elle lui a pourtant demandé un peu de temps, juste un peu, de quoi parler à Javier. C’était prévu, il méritait au moins des explications, même si elles n’étaient pas valables. Elle se demande pourquoi Timo a débarqué, mais elle commence à comprendre qu’il y a une raison. Il évoque Shea, aussitôt, la blondinette tique. Qu’est-ce que Shea vient faire là-dedans ? Elle fronce les sourcils, Timo s’est rapproché d’elle, elle se tourne vers lui. « Comment ça, Shea ? » C’est censé vouloir dire quoi ? Elle se tourne vers Javier, cherche à comprendre, le fixe, en attente d’une réponse. Est-ce que Shea l’a surpris dans une position compromettante, à l’hôtel ? « Est-ce que Shea sait quelque chose que je sais pas ? » souffle-t-elle, posant les yeux d’abord sur le jumeau de la brune, puis sur son copain. C’est devenu du délire, elle capte rien, jamais rien.

Si tu ne lui rends pas son coup, c'est parce qu'il y a Kayla. Si tu ne lui assènes pas à ton tour ton poing, c'est parce qu'elle pleure. Si tu le soulèves simplement de quelques centimètres, c'est parce que tu sens ses bras aussi frêles qu'une poupée t'entourer la taille. Elle essaie de te faire relâcher la pression, de te faire reculer, mais t'en as pas vraiment envie. Pourquoi tu devrais le lâcher, alors que c'est lui qui vient de te mettre un poing ? Alors tu l’interroges, sans manquer de l'insulter. Sauf qu'il ne te répond pas, il préfère détourner les questions sarcastiquement. C'est moi que tu traites d'enfoiré ?, tu comprends pas. Tu ne comprends pas à quoi il fait allusion, tu commences même à te demander si la jalousie est bien son seul moteur. Mais t'as pas trop le temps de réfléchir, qu'il t'assène un nouveau coup à l'abdomen. Instantanément tu relâches ton emprise et te cambres sous la douleur, tellement que tu perds ton équilibre. Tu t’effondres comme une sous-merde sur le sol, tes mains agrippant ton ventre. Tu laisses échapper un gémissement de douleur, tu pensais pas qu'il serait si fort. Mais au moins, son coup a eu pour effet de te calmer. Comment tu fais pour te regarder dans le miroir ?, toujours au sol, tu fronces les sourcils. T'aimerais comprendre de quoi il parle, même si au fond t'en as bien une petite idée. Y'a pas miles trucs qu'on pourrait te reprocher vis-à-vis de Kayla, mais tu veux qu'il aille au bout de sa pensée. Alors tu restes silencieux, lui lance un regard noir. T'as sans doute besoin que Shea vienne te rafraîchir la mémoire..., puis, il confirme tes pensées, met des mots sur la raison de sa venue. Un sourire s'esquisse sur tes lèvres, et tu ne peux t’empêcher de laisser échapper un léger rire. Tu ris jaune, la culpabilité revient au galop. Tu te mets assis sur la moquette, passes une main sur ton visage puis dans tes cheveux. T'es qui ? Son mec ?, que tu dis en le dévisageant. Tu te demandes quel est le lien entre eux, la nature de leur relation. Ou peut-être que t'es un d'ces gars à qui elle a pas voulu plus qu'un baiser ?, tu le provoques, t'aimerais savoir si Shea est allée vendre la mèche, bien qu'elle t'avait promis le contraire. Mais tu peux pas t’empêcher d'apercevoir la proximité qui s'est soudain installée entre ta copine et son ex. Comment ça, Shea ?, les regards qu'elle lui lance. Ils ont beau être remplis de panique, tu comprends doucement qu'il y a autre chose. Est-ce que Shea sait quelque chose que je sais pas ?, tu te relèves finalement, le regard planté sur Kayla. T'es surpris de voir qu'elle ne demande pas que qui il s'agit. Comment ce fait-il qu'elle la connaisse ? Tu préfères observer la distance qui s'est crée entre vous deux, plutôt que de lui répondre. Et moi ? Est-ce qu'il y a quelque chose que je devrai savoir ?, t'essaies de sonder son esprit, comprendre ce qui se trame. Son ex vient de te foutre une droite, et elle n'est pas à tes côtés. Non, elle se tient à l'opposé, à ses côtés, à lui. T'as l'étrange impression que la scène de toute à l'heure est en rapport avec cette soudaine proximité. Tu voulais me dire quoi, Kayla ?, tu détournes la conversation, retardes les choses, mais appréhendes tout de même sa réponse.

Son mec ? Tu lâches un rire. T'es mieux que ça, toi, tu pourras jamais lui briser le coeur et tu l'abandonnerais pour rien au monde. Ton lien avec Shea c'est plus qu'une petite amourette de collège, vous êtes lié par la gémellité mais ça, il ne semble pas le savoir et ça te déstabilise. Tu pensais que personne n'ignorait votre lien. Il est tellement évident pour toi qu'il te parait évident pour tout le monde. Tu doutes sincèrement que Shea se contente d'un baiser quand elle se met à désirer quelqu'un, tu la connais ta soeur, t'as même du mal à comprendre comment elle a pu tomber dans son piège à lui. Kayla te questionne et toi, tu sais plus quoi répondre, t'as pas envie d'être celui qui va lui briser le coeur une fois de plus, à cause de ce connard de surcroît. Est-ce que Shea sait quelque chose ? Mon Dieu, tout le monde le sait dans cette pièce sauf elle, tu n'oses plus la regarder. Tu sais que ta soeur n'est pas la personne qu'elle préfère au monde non plus. Un fossé les sépare mais toi, tu les aimes toutes les deux et c'est difficile. Tu sais que ce sera toujours difficile. T'as sans doute interrompu les aveux de Kayla, tu t'en fiches, t'as presque envie d'être celui qui lui dira qu'il peut aller se faire foutre. Tu te souviens des paroles de ta soeur. Elle aurait voulu plus. Il a choisit Kayla. Et toi, tu t'es sentis impuissant. Tu pourrais pas choisir entre les deux. Tu l'as sans doute fait, une fois, et tu t'en es jamais remis. Il change de sujet et ça t'énerve. Toi, tu veux pas qu'il mêle Kayla à tout ça, tu sais qu'elle en sortira meurtrie quoiqu'il arrive. "T'es vraiment crétin ou tu le fais exprès ?" Tu lui lances, le regard noir, désireux de lui sauter une nouvelle fois à la gorge rien qu'à l'idée d'évoquer ta soeur devant lui. Tu voudrais le frapper encore, pour laisser sortir ta haine mais Kayla est là, à côté de toi, t'en as déjà assez fait pour la journée. "Tu pourrais commencer non ? Par exemple, tu pourrais nous dire d'où tu connais ma soeur ? Hein Javier ?" Tu demandes en plissant les yeux, ose mentir Javier, ose. T'attends plus qu'une seule chose, qu'il se vende. Il est fini, il a tout perdu, tu le laisseras jamais retoucher à un poil de Shea et Kayla, toi vivant, jamais plus elle ne fera partie de sa vie. T'es ravi qu'elle t'ai avoué son aventure, au moins, t'as plus aucun scrupule à briser ce couple qu'ils forment tout les deux. Tu le quittes pas des yeux et en même temps, tu glisses ta main dans cette de Kayla puis tu la serres, elle aura besoin de toi. Elle ne mérite pas ça. Elle a déjà vécu un chagrin, par ta faute. Tu la connais, elle est sensible, fidèle. Elle ne mérite pas d'être trompée... 

Elle comprend plus rien, elle sait plus où se mettre, elle a juste envie de se réveiller, de constater que tout ça n’est qu’un horrible cauchemar. Elle a jamais connu Timo violent, elle se demande bien ce qui lui passe par la tête, pour qu’il soit aussi furieux, aussi… Différent. Elle commence tout juste à entrevoir qu’il y a quelque chose de plus, quelque chose qu’elle ignore, quelque chose qu’elle va être la dernière à apprendre - comme toujours. Leurs échanges sont loin d’être des modèles d’amabilité, elle, elle s’éloigne juste de quelques mètres pour ouvrir le petit réfrigérateur de la chambre, sort les glaçons, constitue une poche pour Javier. Il se relève pas, ça l’inquiète. Et s’il a plus mal qu’il ne le laisse entrevoir ? Eux, ils sont en train de se prendre le bec et elle, elle pense aux glaçons. Pourtant, elle garde les yeux posés sur eux, sent un tourbillon d’émotions variées l’envahir tandis qu’ils se renvoient des questions. « Merde, vous me prenez pour une conne, ou quoi ? » Elle parle jamais comme ça, d’habitude, Kayla. Elle est calme, ne débite pas des jurons à chaque phrase. Mais là, c’est est trop. Pourquoi est-ce que Timo et Javier savent tous les deux quelque chose qu’elle ignore et dont, visiblement, elle devrait être au courant ? Et Shea aussi ? Elle lui a rien dit, pourtant, Shea. Les sourcils se froncent. Oui, comme toujours, la blonde, c’est elle, après tout. « Vous voulez pas qu’on invite Shea aussi, pour que vous puissiez tous vous foutre de ma gueule ensemble ? » Elle dépose la poche de glaçons sur les jambes de Javier, pour qu'il l'applique là où il a mal; elle se doute qu’il n’y prêtera pas la moindre attention, mais il fallait qu’elle le fasse, voilà tout. Il rigole, mais pourquoi il rigole ? Qu’est-ce qu’il y a de drôle ? Elle n’a qu’une envie, se barrer, pourquoi pas aller voir Shea, tant qu’on y était, tant qu’à s’enfoncer dans la situation la plus improbable, tant qu’à se rabaisser. Mais elle peut pas les laisser s’étriper, certainement pas. Ils veulent pas lui répondre, est-ce que quelqu’un va finir par se décider ? Sa mâchoire se serre, ses yeux se plissent. Est-ce qu’il s’est passé quelque chose entre Javier et Shea ? Non, non, impossible, ce serait trop… L’ironie du sort. Non, elle refuse d’y croire. Shea doit avoir appris un truc sur lui. Ou inventé, peut-être pour lui faire du mal. Oh et puis merde, quelle importance, après tout ? Javier la ramène à la réalité, il lui rappelle qu’elle a quelque chose à lui dire, qu’elle doit se confesser, elle aussi. Que ce qu’elle a à lui confesser est sans doute plus gros que ce qu’eux tous réunis savent. Elle est énervée, fatiguée, mais soudain, elle baisse les yeux. Soudain, tout s’envole. Et puis Timo lui prend la main. Il doit être suicidaire, ou alors vachement masochiste, de lui tenir la main devant Javier. Elle déglutit péniblement. Comment avouer ça, alors que son ancien amoureux était juste à côté ? Ça ne doit pas se passer comme ça. Elle retire sa main de celle de Timo, pas parce qu’elle en a pas envie, mais parce qu’elle veut avoir un minimum de respect pour Javier, parce que c’est pas correct, et aussi parce qu’elle comprend pas encore tout ce qui s’est tramé derrière son dos. « Je suis loin d’être aussi bien que tu le penses » lâche-t-elle enfin, incapable de le regarder dans les yeux. Non, ses pieds sont soudain devenus beaucoup plus intéressants. Elle a envie de dire à Timo qu’il faut la laisser s’expliquer avec Javier, parce qu’il mérite au moins ça, mais elle ne sait même pas s’il va l’écouter. Alors elle se laisse tomber au sol, pas loin de Javier, mais pas trop près non plus, parce que oui, même si elle sait qu’il va pas la frapper, elle appréhende quand même vachement sa réaction. « On m’a toujours dit que nous deux, c’était une erreur parce que t’es pas du genre à te caser, plutôt à papillonner » débite-elle rapidement. « Mais ils se sont tous trompés. C’est moi… » C’était d’un ridicule, cette situation, d’autant plus avec Timo juste derrière, c’est du délire. Mais elle est plus dans son état normal, elle contrôle rien, elle voit rien, elle sait plus, elle veut juste lui répondre, une bonne fois pour toutes, à celui qui l’a emmenée si gentiment ici. « Je suis vraiment désolée... » Est-ce qu’il comprend qu’elle meurt d’envie de retourner dans les bras de Timo ? Pas sûr. Mais elle n’arrive même pas à lui dire. Poule mouillée. Pire que ça. S’il l’insultait de tous les noms, elle le comprendrait et l’accepterait, parce qu’il en avait largement le droit.

Sa sœur. T'arrives pas à y croire. Shea. Timo. Shea et Timo. Frère et sœur. La fille avec qui t'as trompé ta copine et l'ex de cette dite copine son liés par le sang. Ça ta paraît surréaliste tout ça, tellement que tu demandes presque si c'est une blague. Une bonne grosse farce pour te pousser à bout. T'écarquilles les yeux, peines à cacher ta surprise. C'est pas possible. Dans quel merdier tu te trouves ? Tu t'attendais à tout sauf à ce qu'ils fassent partis de la même famille. Mais maintenant, tu comprends mieux le pourquoi du comment. Tu comprends mieux cette arrivée en furie, cette droite dans la mâchoire. T'es un peu déstabilisé, déconnecté. Puis, Kayla te ramène à la réalité. Elle pousse un coup de gueule, et des jurons. C'est pas très étonnant, au fond, elle doit être complètement perdue au milieu d'vous deux. Elle ignore la situation, mais plus pour très longtemps, puisque tu te doutes bien que l'heure de la confession approche. Surtout avec l'autre fou furieux qui ne cesse de te lancer des regards noirs que tu pourrais presque comparer à des lames d'épée. Tu relèves ton regard vers eux, et aperçois leurs mains entrelacées. Ce geste, ce simple geste vaut toutes les explications du monde à tes yeux. T'as compris. Plus ou moins. Ça crèverai même les yeux à un aveugle. T'as envie de lui sauter dessus, de lui rendre ses coups. Mais bien que la colère gronde dans tes veines, t’intériorises et attends la suite. La main de Kayla glisse hors de la sienne, et enfin, elle prend la parole pour continuer ce qu'elle avait commencé plus tôt. Je suis loin d’être aussi bien que tu le penses, c'est toujours le même discours, les mêmes paroles qui se répètent encore. T'attends qu'une seule chose, qu'elle te le dise. Qu'elle te regarde droit dans les yeux, et qu'elle te le dise. On m’a toujours dit que nous deux, c’était une erreur parce que t’es pas du genre à te caser, plutôt à papillonner. Mais ils se sont tous trompés. C’est moi… je suis vraiment désolée..., qu'elle murmure en s'effondrant au sol. Tu serres les poings. Tu pourrais presque éprouver une certaine empathie pour elle si elle n'était pas entrain de rompre avec toi. Tu sens ton ego s’écorcher. Et toi qui essayais de te racheter une conscience, qui tentais de te faire pardonner. Tu penses à tout ces moments passés à son chevet, à recoller les morceaux qu'il a laissé derrière lui. Mais malgré-tout, t'essaies de camoufler toutes ces émotions qui traversent ton être, de dissimuler ce tourbillon de sentiments. Tu desserres les poings, t'agenouilles près d'elle et ancres tes prunelles dans les siennes. T'aimerais qu'elle y voit tout ce que tu lui caches, qu'elle y décèle tout tes mensonges. Je t'ai trompée., tu la coupes dans ses paroles et avoues enfin. Tu prends pas de gants, tu balances ça, nonchalant, comme si tu commandais une pizza. T'es touché dans ton estime, t'as l'impression de n'avoir été qu'une roue de secoure. J'ai pas besoin de te dire avec qui. T'es tout de même pas si blonde que ça, n'est-ce-pas ?, tu souries. T'attrapes la poche de glaçon qu'elle t'avais confectionné et la pose entre ses mains, puis tu te remets sur tes pieds. Mais bon, je suppose que ça ne t’atteint pas vraiment. T'a pas eu besoin d'avoir de raisons pour me remplacer., que tu dis en lançant un regard à l'espagnol. Comme il l'a si bien rappelé, t'es qu'un crétin, un connard de première, alors autant l'être jusqu'au bout. Alors, il est content Monsieur le Héros ?

Elle s'énerve et ça t'énerve parce que c'est de sa faute à lui. Tu regrettes que Shea soit mêlée à tout ça. Tu regardes Kayla s'approcher de lui, tu fais rien, t'as pas le droit de l'empêcher d'anéantir ce mec, t'as hâte qu'elle lui dise la vérité, que c'est avec toi qu'elle veut être, pas avec ce sale con. Elle se sous-estime face à lui. Si elle savait combien ce mec ne la mérite pas, combien le quitter ne pourra être que bénéfique pour elle... Elle est désolée, toi, tu l'es pas. T'es ravi même, tu souris presque en regardant ses poings à lui se serrer. T'as envie qu'il se mette en colère, juste pour pouvoir planter ton poing quelque part dans son corps une nouvelle fois. Mais il se baisse pour se mettre à sa hauteur, ton coeur s'agite, tu vas le démonter. Et il avoue, tu le sens d'ici. Tu sens le coeur de Kayla qui se brise. T'arrive pas à croire qu'il l'ai dit. De cette manière. T'es pas si blonde que ça. T'en reviens pas. Salopard. Il se relève, tu le suis du regard. Tu sais plus tellement ce que tu ressens maintenant. T'es complètement décontenancé. Tu pensais pas te sentir comme ça après ses aveux. Tu pensais que ça te ferait du bien mais non, t'es triste. T'es triste parce qu'il a réussit à briser Kayla et à faire perdre l'esprit de Shea. Tu le détestes vraiment, du plus profond de ton être. T'es content ? Non t'es pas content ! Tu te sens vide. Tu t'approches de Kayla, tu poses une main sur son épaule que tu sers. Elle ne mérite pas ça. Shea t'a dit qu'elle ne savait pas qu'ils étaient ensemble mais tu sais que ça ne l'aurait pas déranger pour autant... T'en es désolé pour Kayla. "Tu touches plus à un cheveu de Shea, jamais." Tu ordonnes telle une menace. Ça te dégoûte. Il a touché à ce que tu as de plus cher, c'est trop pour toi. Tu lâches Kayla et tu t'approches un peu plus de lui, il est plus grand que toi mais il te fait pas peur. Non. La famille c'est sacré. Tu la protégerais de tout. "Sinon, tu verras autre chose que mon poing." Tu promets avec une haine non dissimulée. "Tu la mérites pas ! Tu mérites aucune d'elles !" Tu t'énerves, tu repenses à ses mots à Shea, tu repenses à ce que t'as dit Kayla, tout ce respect, ce que Shea aurait voulu. Il l'a blessé elle aussi. Il les a blessé toutes les deux. Tant de blessures que t'es prêt à penser toi-même. Vous n'avez plus besoin de lui, aucun de vous trois.  

Il a compris. On pourrait lui reprocher des trucs, à Javier, mais pas d’être bête, non. Il a compris en les regardant, avant même qu’elle ait ouvert la bouche. Elle commence ses confessions, il serre les poings, elle se sent tellement mal. Elle a jamais voulu devenir une fille comme ça. Une fille ingrate, alors que c’est lui qui l’a aidée à panser les blessures de son coeur explosé. Elle pleure, elle voudrait être forte, au moins assez pour tout lui dire sans flancher, mais elle n’y arrive pas. De toute façon, ils savent tous qu’elle est faible, c’est bien connu. Elle peut pas le regarder dans les yeux, elle s’agite, se triture les doigts, se mord les lèvres. Elle s’est plus ou moins préparée à toutes sortes de réactions, elle a imaginé à peu près tout, des scénarios ont défilé dans son esprit. Tout, sauf ça. Il s’approche, il la regarde dans les yeux, elle a presque envie de reculer. Et là, il lui balance à son tour sa confession, en pleine figure. Elle en reste bouche bée, pendant une dizaine de secondes, comme si l’information refuse de monter à son cerveau. « Qu… Quoi ? » Elle bégaye. Elle a perdu tous ses moyens, se demande si elle a bien entendu. Non, elle veut pas y croire, il dit ça juste pour lui faire de la peine, parce qu’elle va le quitter. Mais là, il poursuit. Et la lumière se fait. C’est pour ça que Timo a déboulé comme un fou. Javier l’a trompée avec Shea. Javier et Shea… Putain ! Des images se forment dans son esprit, des images qu’elle refoule de toutes ses forces. Des tas de questions se forment dans son esprit. C’était quand ? Combien de fois ? Est-ce que Shea savait que c’était son copain ? Elle secoue la tête, comme pour nier l’évidence, comme si elle a envie de dire au destin, ou à quoi que ce soit d’autre, ce qu’elle pense. Parce que là, c’est juste pas possible autrement. Javier et Shea !!! L’ironie, la blague suprême. Elle a surtout envie de demander pourquoi, pourquoi, qu’est-ce que Shea a de plus pour qu’il l’ait trompée, qu’est-ce qui lui manque à elle, à Kayla. Mais les mots restent coincés au fond de sa gorge et de toute façon, ces réponses seraient inutiles. La vérité a éclaté et l’évidence la frappe, soudain : elle fait pas le poids. Elle fera jamais le poids. Javier a trouvé Shea suffisamment intéressante pour risquer plusieurs mois de relation. Timo a rompu avec elle pour faire plaisir à sa soeur jumelle. Quoi qu’il arrive, les hommes, n’importe lesquels, la préfèreront toujours. Et la blondinette, elle, n’a plus qu’à aller se cacher. Cette fois, ce ne sont plus des larmes, mais un torrent de larmes qui coulent. Elle voudrait être fière, faire comme si ce n’était rien, surtout vu qu’elle s’apprête à rejoindre son ancien petit ami. Mais non, ce n’est pas rien. En deux secondes, Javier a réussi à anéantir le peu d’estime qu’elle avait pour elle-même. Elle l’avait aimé. Pas comme Timo, c’était une certitude, les faits le montraient. Mais elle s’était attachée à Javier, sincèrement, naïvement. Comme la pauvre conne qu’elle avait toujours été, qu’elle serait toujours, même lui le rappelle. Et soudain, tout s’envole. Finalement, ses frères avaient raison, ce n’était pas un homme pour elle. Finalement, ses scrupules s’en vont, elle ne serait de toute manière pas restée avec lui si elle avait su qu’il l’avait trompée. Comment a-t-il fait pour continuer de cette manière, pour réussir à lui cacher un truc aussi énorme ? Non, elle aurait dû voir les signes, pourtant, comme d’habitude, c’est toujours de sa faute. Elle ne ressent même pas de haine, elle se sent juste… Vidée. Désespérée. Au bord de l’explosion. Un autre homme a réussi à broyer son petit coeur. Mais au fond, elle n’a pas fait mieux. Alors elle encaisse, sans rien répondre. Que peut-elle bien répondre, de toute façon ? Il pourrait répliquer, alors elle ne dit rien, elle baisse la tête, comme toujours, parce qu’elle sait rien faire de mieux. Elle sent la main de Timo sur son épaule, ce contact la réconforte, mais pas assez. Il commence à crier, ça lui donne mal à la tête, elle a qu’une envie, dormir, sans faire de cauchemars, que tout ça s’arrête, d’une manière ou d’une autre. « Chut » souffle-t-elle, à deux doigts de péter les plombs. Elle se lève. Comme une automate. Rassemble ses affaires. Incapable de réfléchir. Tout est dit. La boucle est bouclée. Elle ramasse sa valise. Elle n’a qu’une envie, appeler un de ses frères pour qu’il vienne la chercher. Elle ne prête même plus attention aux deux hommes, les deux qui lui ont fait du mal, elle veut juste prendre ses vêtements, s’en aller. Elle peut pas en supporter davantage, c’est au-dessus de ses forces.

Tu pensais que lui avouer te soulagerait d'un poids, que toute cette culpabilité s’envolerait instantanément. Pourtant, tu te sens toujours aussi mal. Toujours autant en colère, agité par le bordel qui vient d'exploser. C'est de sa faute, tout ça. Sans lui, t'aurais pu garder le secret et taire ta tromperie. Peut-être que tu lui aurais avoué un jour, à Kayla, tant ça t'aurais démangé. Mais pour l'instant tu pensais pouvoir oublier et continuer votre route ensemble. À quoi aurait servi votre voyage sinon ? Ces vacances que tu lui as offerts ? Pourtant, elle dit rien, elle reste immobile, comme figée par la peine que tu lui cause. Et ça t'énerve. Qu'elle réagisse bon sang, tu t'attendais à recevoir une gifle. Pour une fois, t'as envie qu'elle explose, qu'elle te hurle dessus pour t'insulter de tout les noms. Au moins ton acte aurait été justifié, t'aurais eu une excuse pour lui avoir balancer ton aveu de cette façon. Même si à cet instant, t'es convaincue d'avoir pleinement raison. Elle ose se remettre avec son ex durant vos vacances. Elle replonge dans ses bras alors que c'est toi, c'est toi qui l'avait fait sourire à nouveau. Il s'approche d'elle, pose une main sur son épaule pour la réconforter. Et c'est sûrement ça, qui te dégoutte le plus. Le fait qu'il veuille se donner le bon rôle alors qu'il a déjà détruit son cœur avant toi. Tu touches plus à un cheveu de Shea, jamais., ça t'arrache un léger rire. T'aurais pu comprendre son attitude envers toi. T'as aussi une petite sœur, après tout, tu donnerais n'importe quoi pour elle. Tu sais également que si un jour un connard dans ton genre l'approche, tu ne donnerais pas cher de sa peau. Pourtant t'as pas envie de l'écouter, au delà de la colère, tu le trouves presque ridicule à essayer de te donner des ordres. Sinon, tu verras autre chose que mon poing., il continue sur sa lancée et te menace en s'approchant. Tu ne recules pas, au contraire, tu le toises du regard. Est-ce que ce sont des menaces ? Parce que je crois que c'est pas très bien vu le fait que des employés menacent des clients. De toute façon, tu gaspilles ta salive. Je fais ce que je veux., tu parles comme si tu te fichais de la présence de Kayla, comme si elle n’existait plus. Même si au fond, c'est pas vraiment le cas. Tu la mérites pas ! Tu mérites aucune d'elles !, c'est la cerise sur le gâteau. T'as l'impression d'halluciner. Parce que toi, tu la mérites peut-être ?! Est-ce que tu sais au moins à quel point tu l'as anéantie ? Elle avait besoin de toi, et tu l'as simplement abandonnée sans aucune explication., tu débites comme si t'étais encore son mec. Comme si les dernières secondes n'avaient jamais existé, comme si tu ne l'avais jamais trompée. Chut., qu'elle prononce doucement avant de se lever pour ranger ses affaires. Ils avaient raison, finalement. On est pas fait pour être ensemble. T'aurais peut-être du les écouter., tu la regardes enfouir ses vêtements dans sa valise, comme si chacun d'entre eux représentaient un fragment de ces six derniers mois. Et ça te rend fou. Parce que t'y as cru à votre histoire, t'y as cru à cette relation qui promettait de belles choses. Tu l'aimais Kayla, et tu l'aimes toujours. À ta façon un peu bancal. Pourtant t'as tout foutu en l'air.

Tu ne vois que lui et ton envie de le massacrer. T'es pas sûr de pouvoir supporter une seconde de plus ces images de ta soeur entre les bras de ce spécimen qui s'invitent dans ton esprit gentiment depuis trop longtemps à ton goût. Il se fout de ta gueule, s'amuse de tes menaces envers un client. T'en as rien à foutre, s'ils te virent, du boulot, t'en trouveras autre part. Toi, t'as besoin de soigner la dignité de Shea. Plus encore, la tienne. Parce que t'as pas réussis à la protéger de lui. Oh, tu sais bien que Shea fait ce qu'elle veut avec qui elle veut et sans te demander ton avis mais lui, c'est différent, tu le sens au fond de toi. C'est différent parce qu'il a touché à tout ce qui t'importe le plus dans ton existence. Tu sers les poings mais tu fais rien, tu sais très bien que t'as besoin de ce travail, aussi malin que tu puisses être. Tu l'écoutes et ça te brise le coeur. Ouais, tu l'as anéantie, t'es pas fier de ça, t'es pas sûr que lui ait fait beaucoup mieux récemment. Tu te sens mal, une merde, pire, tu te sens comme si d'un seul coup, t'étais lui. Un pauvre gars dégueulasse, briseur de coeur. Bien sûr que t'es pas mieux que lui, t'es pire sans doute parce que t'es parti sans explication mais t'as toujours été réglo, fidèle, amoureux. T'as jamais vraiment été ce connard qu'il est lui. Et tu la sens derrière toi, s'agiter pour rassembler ses affaires alors qu'elle vous intime de vous taire. T'aimerais bien la fermer ouais, mais il continu de déblatérer des conneries et toi, tu peux pas le laisser dire. "Je l'ai pas trompé moi..." Tu souffles. Tu la laissé tomber parce que t'aimais trop ta soeur, parce que t'avais peur de lui faire du mal, parce qu'elle se sent déjà trop mal fasse à la vie, parce qu'elle a peur de devenir comme votre mère... T'as peur aussi, silencieusement, mais tu t'empêches pas de vivre pour autant. "Arrête de dire des conneries, t'es ridicule ! T'as détruit ton histoire en posant les yeux sur ma soeur ! T'avais pas besoin que d'autres te disent que t'étais pas fait pour elle." L'es-tu toi ? Fais pour elle ? T'es pas sûr mais au moins, tu l'aimes de tout ton coeur. Tu te retournes pour regarder Kayla. Elle s'active et toi, tu sais pas quoi faire pour l'en empêcher. Il parle, il l'embrouille, t'as envie de le faire taire mais tu l'as déjà trop frappé à ton goût. Tu t'approches d'elle, tu poses ta main sur son bras pour l'empêcher de repartir chercher d'autres vêtements. "Pars pas." Tu balances, espérant qu'elle puisse rester pour toi, malgré tout. Tu sais que son coeur est brisé, c'est à toi de le recoller maintenant. Toi qui l'a déjà détruit il y a peu de temps. 

Ils continuent à parler, tous les deux. Enfin, parler… Disons plutôt, à se balancer des vacheries à la figure. Comme si elle n’était pas là. Comme si chacun d’entre eux, à sa manière, n’avait pas assez causé de tort. Comme si ça ne suffisait pas… Elle ne les écoute plus, ce n’est même pas la peine. Elle n’a pas envie d’en entendre plus, pas envie de risquer d’être blessée encore davantage, si c’est possible. Pas envie d’entendre deux hommes chercher à se détruire mutuellement, alors que tous ensemble, tous les quatre, ils ont déjà bien foutu la merde dans la vie les uns des autres, d’une telle façon que c’en était presque admirable. Elle prépare simplement ses affaires, parce qu’il est évident qu’elle ne peut pas rester avec Javier. Il se tourne vers elle, lui glisse que finalement, les autres avaient raison, qu’elle aurait dû les écouter, qu’ils n’étaient pas faits pour être ensemble. Elle se mord la lèvre inférieure, se met à trembler, mais elle refuse de lui répondre, refuse de lui accorder ne serait-ce qu’un regard. Elle ne veut pas jouer à ce jeu, elle a déjà perdu, lui aussi, ils ont tous perdu. Alors elle accélère le mouvement, sourde aux menaces qu’ils se balancent l’un à l’autre, tandis que chacun rejette la faute sur l’autre, comme à la maternelle. Elle a envie de leur dire de laisser tomber, que tout le monde va aller se terrer dans son coin respectif et que tout ira mieux dans le meilleur des mondes comme ça, mais elle n’en a même pas la force, parce qu’elle-même n’y croit pas une seule seconde et parce qu’ils ne l’écouteraient pas, de toute façon. Elle a l’impression que son coeur n’existe plus, que son cerveau s’est fait la malle. Elle fait seulement ce qu’elle doit faire, ce qu’elle sait qu’il faut faire. Et pendant ce temps, elle pense à ses frères. Oui, ils avaient raison. Ils ont toujours raison, ses frères. Au moins, ces hommes-là ne l’abandonneront jamais, ne la trahiront jamais. Elle se promet de toujours les écouter, à l’avenir. Ce sera toujours mieux que de souffrir autant. Non, elle n’était pas faite pour Javier, elle avait besoin de plus de… Stabilité. D’exclusivité. Mais… Du coup, elle allait se mettre à douter de tout, à se demander si ça existait vraiment. Tout est flou. Elle laisse les quelques vêtements que Javier lui a offerts, elle ne peut pas les emporter, il n’a qu’à y mettre le feu si ça peut lui faire plaisir. Elle sent une main sur son bras, elle sursaute. C’est Timo. Il lui demande de ne pas partir. Elle ne sait pas quoi répondre. Ni même quoi penser, en réalité. Finalement, elle relève les yeux vers lui. Esquisse un sourire, un tout petit sourire, triste à souhait. « Alors prouve-moi que j’ai pas tort de rester » murmure-t-elle. Et surtout, pas tort de faire à nouveau confiance à un homme. Elle a terminé, sa valise est bouclée. Elle la prend, la fait rouler jusqu’à la porte, garde les yeux baissés. Elle ne veut croiser aucun regard. Ne veut l’aide de personne, surtout pas d’un homme qui a piétiné son coeur, en tout cas. Tout ce qu’elle veut, c’est être en paix, pouvoir pleurer toute seule, laisser exploser son chagrin, sans qu’on puisse la voir. Elle n’a pas la moindre idée de ce qu’elle peut bien faire, mais elle sait qu’elle ne peut pas rester dans cette pièce. Elle réussira bien à se débrouiller. Toute seule. Comme une grande fille. « Essayez d’éviter de vous entre-tuer, ce serait bête de donner du travail supplémentaire à la femme de ménage. » La blondinette ne tient pas ce genre de propos, habituellement, mais elle n’est plus elle-même. Et elle s’en va. Tout simplement.

C'est fini. Terminé. Tu l'as trompée, et elle le sait. Maintenant, elle veut partir, retourner à Séville auprès de sa famille. Tu ne les as jamais bien aimé, ses frères. Ils avait pas confiance en toi, se doutaient qu'un jour t'allais dérailler. Mais c'est pas de ta faute, c'est celle de Shea. C'est elle, c'est elle qui t’hypnotise. Mais ça n'a plus aucune importance désormais, sa valise est bientôt pleine. Elle laisse les vêtements que tu lui as offerts sur le côté, comme pour t'éliminer une bonne fois pour toute. Tu ne dis rien, ne soulèves pas, tu n'as même plus la force de répondre à son ex-nouveau copain. Il a raison après tout, tu ne l'as mérite pas. Tu devrais arrêter de déblatérer des conneries, parce que c'est toi le fautif dans l'histoire. Tu les regardes simplement, les observes se rapprocher, et gardes une distance entre toi et eux. Tu te sens soudainement en trop. Étranger dans cette chambre, et sur cette île. Tu ne sais plus quoi penser, tu te sens vide. Elle a raison de s'en aller, tu devrais faire de même. Les vacances ont viré au cauchemar, ce voyage ne rime plus à rien. Elle finit enfin sa valise, la transporte jusque devant la porte. Tu laisseras les clefs à la réception., lui montrer que tu vas bien, tu n'as plus que ça en tète. Tu ne sais pas où elle ira ensuite, et tu n'as pas envie de le savoir. Peut-être qu'elle ira chez lui quelques temps, seulement si Shea n'y est pas déjà. De toute façon, elle doit bien avoir assez d'argent pour un billet d'avion. Mais c'est plus tes affaires maintenant, c'est plus à toi de t'en inquiéter. Essayez d’éviter de vous entre-tuer, ce serait bête de donner du travail supplémentaire à la femme de ménage., c'est certainement la dernière fois que tu entends sa voix. Elle ne t'accordes même pas un regard, ne s'attarde pas sur toi mais plutôt sur l'état de la chambre. Tu n'en vaux sûrement pas la peine. Ça représente toutes les insultes du monde à tes yeux, ces reproches passées sous silence qui te transperce de part en part. J’espère qu'après avoir foutu tout ce bordel, tu vas au moins la suivre et pas la laisser seule., même si tu préférerais t'arracher la langue plutôt que de l'avouer, c'est à lui de veiller sur elle désormais. Le temps qu'elle aille mieux, en tout cas. T'es énervé mais épuisé de cette stupide bataille. Tu ne peux plus rien à faire à présent, à part peut-être espérer qu'elle te pardonnera un jour. Mais ça, tu en doutes.