Je devais manger avec Ebe aujourd’hui, mais elle m’a fait faux bond. Elle a eu un imprévu. Je ne lui en veux pas, seulement parce que c’est Ebe. Si ça avait été une autre personne, je l’aurai sûrement rayé de ma liste d’amis/amants, ou qu’importe. Je n’étais pas une de ces filles à qui ont pouvait poser un lapin une heure avant un rendez-vous. Et ça, tout le monde le savait. J’étais Gaïa Lucchese, après tout. Les jambes croisées avec raffinement, j’entame ma salade et mon verre de vin tout en checkant les news sur mon portable. Je me fiche que les gens me voient déjeuner toute seule, je suis de celle qui préfère être seule plutôt que mal accompagnée. Hors de question de traîner avec des pouilleux.  Je vaut mieux que ça. Je vaux mieux que tout. Mais certaines personnes ont parfois du mal à le comprendre. Je relève la tête de mon portable alors que quelqu’un s’installe à ma table. Pourtant, je n’ai invité personne. J’arque un sourcil à la vue de Ruben. Il a une belle gueule, l’espagnol, c’est juste dommage qu’il soit aussi con et qu’il pue la paella. « je me suis arrangé pour préciser que c'est toi, le patient zéro, que t'as le vagin aussi fréquenté que Disneyland en pleine affluence. De rien, hein ». Ma bouche s’entrouvre, se referme, choquée. Il n’a pas osé. Je n’y crois pas. Digne, j’essaye de garder mon calme. Il serait trop heureux si je commençais à lui faire une crise. « Je ne sais pas ce qui est le pire dans cette histoire, que les gens croient réellement que j’ai la chtouille, ou que j’ai pu coucher avec une tapette comme toi. » j’accompagne mes belles paroles d’un sourire espiègle. Je fais un signe au serveur et je n’ai même pas besoin de le regarder ou de lui parler pour qu’il remplisse mon verre qui était désormais vide. Il s’apprête à faire profiter de mon vin à l’imbécile sur patte, mais je l’arrête presque aussi tôt. « Non, rien pour lui. » je précise, avant que le serveur hoche la tête et s’éclipse. Je m’enfonce dans mon siège, sereine, mon verre à la main, posant mon regard sur Ruben. « Définitivement, mon honneur serait beaucoup plus bafoué si on venait à penser que j’ai couché avec toi. En plus, c’est bien connu, les espagnols en ont une petite. »

Je pourrais lui sauter dessus par dessus la table et l’étrangler, là, maintenant, tout de suite. C’était bien la seule envie que j’avais à l’instant même, qu’il suffoque pour qu’il cesse de parasiter mes oreilles avec ses mots. « Si tu penses que les espagnols en ont une petite, c'est que tu n'as jamais été dans mon lit. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que tous les italiens ont la langue bien pendue. Ça aboie, ça aboie mais ça n'a rien dans l'froc » Et moi, bien évidemment, ça me fait rire. C’est fou, je ne le trouvais pas aussi ridicule lorsque je l’avais vu la première fois. Sûrement parce qu’il ne parlait pas. C’est ça, il devrait vraiment penser à fermer sa – grande et belle – gueule. « C’est bien, ça fait au moins une personne sur cette terre qui a une haute opinion de toi. » Lui-même, vu qu’il avait l’air de penser d’être un dieu du sexe avec la plus gosse teub d’Espagne. Ce dont je doutais fortement. Je reste calme mais lui adresse un sourire plein d’animosité alors qu’il me parle d’hospitalité. Au moins, il a un bon goût en vin. Qui l’eut cru. Mais par fierté, je n’y toucherai pas. C’était comme ça, j’étais comme ça. Une gamine trop fière. « J'imagine que ma réflexion en c'qui concerne tes nibards t'est restée en travers. j'ai pas envie de prétendre être ton ami ou quoique ce soit alors, on met tout à plat et on règle les frais que nos séjours aient lieu dans la paix » Si mes prunelles étaient des fusils, je l’aurais déjà tué un bon milliard de fois. La paix, ce n’était pas mon truc. Encaisser des réflexions sur ma poitrine, encore moins. J’avale une nouvelle gorgée de mon vin avant de reposer mon verre sur la table. « Ecoute moi bien, pauvre con, je ne sais pas ce qui me retient de t’écraser les burnes avec mes talons aiguilles. » Non, vraiment pas. « Mais il n’y a pas de « on met tout à plat » qui tienne, pas avec moi. » Quand c’est la guerre, c’est la guerre. « Alors je sais, ça doit être dur pour toi d’assimiler tout ça, je sais bien que tous les footballers ont un pois chiche à la place du cerveau. Ça ne doit pas être facile pour toi au quotidien d’avoir un Q.I inexistant. » Nouvelle gorgée de vin. « Tu veux que je répète plus lentement ? Tu comprends tout les mots ou t’as besoin que je t’explique certaines choses ? » Je me fous clairement de sa gueule, et ça me fait plaisir. « Allez, va retrouver tes espagnoles poilues, tu m’as assez dérangé comme ça. » je finis par dire en m’adossant au siège.