Kayla avait passé une mauvaise nuit, c’était le moins qu’on puisse dire. La veille, elle n’avait pas seulement croisé Timo. Alors qu’elle était seule au bar, un gars lourd avait commencé à la coller et elle avait fini par se précipiter par son ancien amoureux, le seul qu’elle connaissait. Il l’avait protégée, ah ça, oui. Il s’était bousillé la main pour elle, même. Alors elle l’avait accompagné pour se soigner un peu, avec une poche de glaçons. Mais il avait trop bu. Il lui avait dit des choses qu’elle adorait avant, mais qu’elle ne voulait désormais plus entendre de sa bouche à lui. Des choses bien trop perturbantes. Et finalement, il l’avait embrassée. Quel beau tableau ! En rentrant, la blondinette s’était torturé le cerveau pour se demander comment dire la vérité à Javier. Elle n’avait jamais voulu le blesser. Est-ce qu’un baiser serait important pour lui, même si elle ne le lui avait pas rendu ? Est-ce qu’il se mettrait vraiment, vraiment en colère ? Elle n’aurait même pas su le dire. Elle se sentait simplement très mal et se préparait au pire.

Mais elle n’avait pas encore osé lui dire. Elle s’était endormie avant qu’il revienne et il avait fait la grasse matinée. Elle l’avait regardé dormir pendant un bon moment. Tellement paisible. Elle ne voulait pas le réveiller. Mais elle ne voulait pas sortir non plus. Alors elle resta là, envahie par de sombres pensées et un sentiment de culpabilité certain. Il se leva pour le déjeuner et ils le prirent simplement dans la chambre. Il avait sans doute trop bu la veille pour avoir envie de pointer la tête dehors. Elle évita soigneusement de poser des questions sur sa soirée, de peur qu’il ne les lui rende. Elle parla de tout et de rien. Et à la fin du repas, il lui souffla qu’il allait rester encore un peu dans la chambre. Elle hocha la tête. Sa décision à elle était prise. Il fallait qu’elle mette les points sur les « i », elle se sentait trop mal comme ça. Alors elle fila sous la douche, avant d’enfiler une jupe haute et un haut blanc tout simple. Un coup de peigne, un maquillage très léger. Elle n’avait pas envie de se faire belle aujourd’hui.

Après avoir embrassé son homme, Kayla se dirigea vers le rez-de-chaussée. Elle avait quelque chose à faire, ce qui lui prit une dizaine de minutes. Puis elle rejoignit le parking. Coup de chance, un des deux gars qui était là pour garer les voitures était celui qui accompagnait Timo l’autre jour, quand ils s’étaient rencontrés. Très facilement, la demoiselle réussit à obtenir le numéro de chambre de son ancien amoureux - et vu la tête que le gars en question faisait, Timo allait sans doute se faire harceler de questions par son collègue. En moins d’une minute, elle se retrouvait devant le numéro 26. Elle frappa à plusieurs reprises. Finalement, le premier homme qu’elle avait aimé vint ouvrir, l’air complètement dans le cirage.

Elle le poussa sans ménagement à l’intérieur (pas par méchanceté, simplement pour ne pas lui laisser le choix et ne pas être repérée devant sa chambre), se faufila et referma la porte derrière elle, sans oublier le verrou. Elle savait de quoi ça aurait l’air, de l’extérieur, si on l’avait vue, aussi avait-elle agi le plus rapidement possible. Elle se tourna vers Timo, plus abasourdi que jamais. « Si tu veux mon avis, tu feras mieux de te rallonger. Tu fais une sale tête. Mais moi, je pars pas. Du moins, pas encore. » Elle baissa les yeux vers la main blessée du brun. Elle s’était efforcée d’effacer toute trace de colère ; même si c’était très difficile, elle voulait avoir une conversation d’adultes. Alors elle essayait d’être gentille, même si elle estimait que ce qu’il avait fait hier soir était horrible, elle se répétait qu’il avait trop bu, comme si ça excusait tout. « Ça va mieux, ta main ? »

Tu sais plus comment t'es arrivé ici, non, tu sais plus, toi tu te souviens juste de la dernière chose que t'as dit Kayla avait de s'échapper. T'étais plus toi, t'as perdu l'esprit, tu t'es assis et puis plus rien, le blackout. T'as trop bu, sans aucun doute. Tu te souviens plus combien de verres tu t'es enfilé mais quelque chose tambourine dans ta tête et tu doutes sincèrement qu'un pantin ait élu domicile dans ton cerveau. T'as pas envie d'ouvrir les yeux, tu sais que quand t'ouvriras les yeux, le soleil va t'agresser et ton mal de crâne va s'intensifier. Puis t'es bien là, tu vas juste rester là et attendre la mort, ou alors Shea, parce que Shea te laissera jamais mourir non, elle va venir, te tirer les verres du nez et t'insulter pour ta connerie. Des conneries hier, t'en as fait des tonnes, les pires sans doute depuis ta naissance pour le moment, c'est sans doute pas les dernières mais t'es pas encore prêt à y faire face. Enfin... C'était sans compter ces putains de coups qui s'étalent sur la porte de ta chambre. Tu grognes, tu t'enroules dans ta couverture et tu te lèves finalement pour ouvrir. Quelle ne fut pas ta surprise de découvrir Kayla ! T'aurais refermer la porte directement si seulement t'étais pas aussi lent. Elle t'a déjà repoussé à l'intérieur pour refermer la porte derrière elle. Tu comprends rien à ce qui t'arrive et t'as pas tellement envie d'y réfléchir, t'as pas envie de parler, t'as même pas envie d'écouter. Tu la regardes, essayant de trouver un indice, qu'est-ce qu'elle fout ici ? Tu pensais sincèrement qu'elle ne voudrait plus jamais avoir affaire à toi après hier soir. Elle a raison, t'as envie de te rallonger, une sale tête que t'as qu'elle te dit, tu t'en fous mais tu t'exécutes, tu t'allonges en te posant sur ta main droite, aïe ! C'est vrai, t'as frappé un mec hier, pour elle. Pourquoi elle part pas ? Pourquoi elle te laisse pas à ta misérable existence ? Elle est heureuse, toi pas. Tu le mérites, toutes ces histoires de karma sont vraies... Elle demande des nouvelles de ta main. Tu la regardes à ton tour, tu vois le bleu de loin avec tes yeux gonflés. "Ça fait mal." Tu conclus, loin d'être loquace en cette matinée brumeuse. Tu t'allonges sur le dos, une main sur ta tête, t'as mal, t'as besoin de quelque chose. "Tu peux me passer les cachets sur la table là-bas s'il te plait ?" Tu demandes sans la regarder. T'appréhende ce qui va suivre et tu seras sûrement pas le premier à lui en parler, t'en as déjà trop dis hier, tu ne dis plus rien maintenant, c'est fini, tu fermes ta gueule et t'attends. C'est ce qu'il te reste de mieux à faire. T'as du mal à croire qu'elle est là, dans ta chambre. Si t'avais su en arrivant ici que tu te retrouverais dans cette situation, tu serais probablement partis dans un autre pays, en Asie, loin, bien loin de l'Espagne. Là, elle t'aurait probablement pas suivit, elle aurait été à Capri avec son mec et toi, t'aurais continuer à vivre de ton côté comme tu le fais depuis que tu l'as quitté. "Qu'est-ce que tu fais ici ?" Tu lui demandes finalement, incapable de te retenir. Il te faudrait un bâillon, quelque chose pour fermer ta bouche une bonne fois pour toute !  

Kayla n’était pas sûre que ce qu’elle faisait une bonne idée, mais c’était trop tard à présent. Une fois de plus, elle avait un peu agi sans réfléchir, mue par un seul désir : celui de mettre les choses à plat une bonne fois pour toutes. Elle savait pertinemment que son histoire avec Timo était terminée. Maintenant, elle avait quelqu’un d’autre et elle se sentait bien avec Javier, même s’il n’était pas tout à fait comme elle l’aurait voulu. Mais elle avait l’impression de commencer à mettre le doigt sur quelque chose, quelque chose d’important, qu’elle avait complètement zappé. C’était peut-être ce quelque chose qui l’avait empêchée d’avancer pendant un bon moment, avant qu’elle ne se perde dans les bras de Javier. Peut-être que ce qui leur avait manqué, à Timo et à elle, pour conclure leur histoire comme il le fallait, c’était une véritable conversation. Elle n’avait jamais compris pourquoi et c’était peut-être l’occasion ou jamais. Elle ne savait pas trop, tout ça faisait un beau mélange dans sa tête.

Le beau brun était retourné s’allonger et la demoiselle tira une chaise pour s’asseoir près du lit. Il avait vraiment la gueule de bois, ce qui n’avait rien d’étonnant vu son état la veille. Elle lui passa les cachets qu’il demandait, attrapa une bouteille d’eau qui traînait au passage, pour lui remettre. Il faisait peine à voir, comme ça. Elle avait détesté la fin du moment qu’ils avaient passé ensemble, mais ça n’enlevait pas ce qu’il avait fait pour elle auparavant. Il lui demandait ce qu’elle faisait là. Elle inspira profondément. « J’suis venue pour qu’on parle. J’imagine que c’est la dernière de tes envies, mais… J’pense que ça peut pas attendre. » Elle posa les yeux sur lui et comprit ce qui clochait un peu. Les rideaux étaient ouverts, oui, il avait sans doute pas eu la force de se lever pour les fermer. Alors elle se leva, tira les rideaux, plongeant ainsi la pièce dans la pénombre, espérant que ça le soulage un peu. « D’abord, sache que j’ai tenu ma promesse. Je t’ai dit que je trouverai un moyen de t’être reconnaissance et je l’ai trouvé. Ce matin, j’ai demandé à voir le directeur de l’hôtel, j’imagine que c’est ton big boss. Je lui ai vanté tes mérites pendant plusieurs minutes. Je sais pas quel effet ça aura, mais je sais qu’il a noté, vu comment les clients sont traités ici. »

Tu attrapes la bouteille et tes cachets post-gueule de bois qu'elle te tend. Tu te redresses deux minutes, juste le temps d'avaler un de tes comprimés avec une gorgée d'eau. T'as le temps avant que ça fasse effet puis, de toute façon tu as tellement pris une taulée hier que t'es pas sûr que ce truc fera de l'effet sur toi aujourd'hui. Qu'on parle, merde. T'es pas en état de parler là. Sa voix résonne dans ta tête, tu grimaces d'ailleurs. Effectivement c'est la dernière de tes envies mais madame pense que ça ne peut pas attendre. Très bien, alors parlons. Tu seras pas vraiment actif dans cette conversation mais peu importe, t'es plutôt talentueux pour laisser parler les gens quand toi, t'as pas envie de le faire. Elle choisit de fermer les rideaux, parfait. "Merci." Tu lances seulement sans pour autant rouvrir tes yeux. T'as pas envie de lui faire face quand tu devras lui dire ce qu'elle attend que tu lui dises parce qu'elle attend, tu sais très bien qu'elle va te tirer les verres du nez aujourd'hui et pas demain. Elle ne se contentera pas d'excuses plates, sans explications, non, ce qu'elle attend elle c'est quelque chose de vrai et de solide, une vraie raison qui t'ai poussé à la quitté et qui t'ai poussé à l'embrasser hier alors que t'es censé être fiancé à une bimbo. Tu l'écoutes sans vraiment comprendre, elle a trouvé un moyen d'être reconnaissante en allant discuter avec ton boss, d'accord mais... "Ce n'était pas nécessaire." Tu dis, très peu disposer à lui lâcher des infos dans l'immédiat. Tu te dis que si tu la mets en colère, elle s'en ira plus rapidement. D'autant plus que tu vas probablement te faire virer pour avoir frapper un client, qu'elle soit allé ou pas discuter avec le grand maître de l'hôtel, le client est roi, s'il va se plaindre, t'es foutu. Shea va t'en vouloir... Tu veux qu'elle en vienne au fait rapidement, t'es pas d'humeur à papoter pour des banalités, tu t'en fiches d'être ou non dans les petits papiers du patron, t'es pas là pour ça. Toi, t'es là pour t'amuser, faire des rencontres et l'oublier, ce qui risque d'être complètement compromis aux vues des récents événements. "Merci quand même." Tu dis finalement en soupirant. "Tu veux parler, vas-y parle." Tu t'exclames finalement, impatient de la voir partir le plus rapidement possible. 

Le contraste entre le Timo de la veille et celui qu’elle avait maintenant en face d’elle était frappant. La veille, il était attentionné, adorable, un peu trop charmeur même. Et quelque chose lui disait, à Kayla, que ce n’était pas seulement une histoire de gueule de bois. Une fois de plus, il voulait éviter la confrontation, éviter de parler de ce qui lui semblait pourtant nécessaire, à elle. Elle aurait pu choisir un autre moment, d’accord, mais entre-temps, qu’était-elle censée dire à Javier ? Bon sang, tout aurait été tellement plus simple si elle était restée sagement dans sa chambre. Elle ne risquait plus de sortir de sitôt. Et même, tout aurait été tellement plus simple s’ils étaient allés ailleurs qu’à Capri. Pourquoi, hein ? Pourquoi le sort semblait s’acharner ainsi ? Elle se retrouvait maintenant là, à essayer de confronter son ex-petit-ami à leurs démons du passé.

Elle ne releva pas son ton agacé, ni son manque d’enthousiasme - oui, elle s’imaginait bien qu’il aurait préféré la voir ailleurs. Mais cette fois-ci, il n’y couperait pas ou du moins, elle ferait tous les efforts dans ce sens. Il n’ouvrait pas les yeux, oui, ça devait faire vachement mal. Elle ne pensait pas s’être déjà retrouvée dans cet état et si au début, elle avait compati, elle sentait déjà qu’il commençait à l’énerver. Affalé dans son lit, il était en caleçon et il semblait s’en ficher un peu, ou alors il ne s’en était pas rendu compte. La couverture dévoilait son corps par endroits et pendant un instant, Kayla tenta de repousser l’idée de la tête que ferait son mec quand il apprendrait ça. Bon. Elle inspira profondément.

« Tu te souviens de ce qui s’est passé hier soir et de ce que tu m’as dit ? » Elle avait envie de le prendre par les épaules et de le secouer, mais vu comment il devait se sentir mal physiquement, ce n’était certainement pas une bonne idée. Elle se rapprocha néanmoins de lui. « Est-ce que tu sais à quel point j’ai souffert quand tu m’as abandonnée ? Le nombre de larmes que j’ai versées ? Le nombre d’heure que j’ai passées à broyer du noir ? Est-ce que tu sais à quel point il m’a été difficile de te sortir de ma tête, de ne plus penser à tes mots d’amour, à nos étreintes, à nos baisers ? Est-ce que t’as la moindre idée du foutu mal que j’ai eu à avancer ? » Peut-être qu’il ne comprenait rien à ce qu’elle disait, peut-être qu’il n’écoutait pas, peut-être qu’il s’en fichait. Pourtant, elle n’avait qu’une envie, celle de lui faire réaliser à quel point elle son coeur avait saigné. Il ne pouvait tout bonnement pas agir avec elle comme il l’avait la veille. « De quel droit tu me dis que je te manque, que si tu te mariais un jour ce serait avec moi, de quel droit tu m’embrasses ? Après tout ce que tu m’as fait ?! »

Ça te fait mal de penser à hier soir, tu te souviens de tout même si t'aimerais avoir oublié, elle doit de prendre pour le pire des mecs... Un gros connard probablement, prêt à se faire à nouveau son ex alors qu'il est censé être fiancé. T'as paniqué quand tu l'as inventé ta Lucie, maintenant, elle n'existe plus pour toi, t'as plus envie de t'endiguer dans un mensonge que tu seras pas capable de tenir à la moindre goûte d'alcool ingérée. Elle te demande si tu te souviens de ce qui s'est passé hier. T'hésites deux seconde à lui mentir mais t'es fatigué de masquer la vérité, elle va le savoir puis de toute façon, t'as plus envie de fuir les vérités qui stagnent en toi depuis de trop long mois. Tu te souviens mot pour mot de ce que tu lui as dit, elle te manque, tu voudrais te marier avec elle, putain de crétin que tu es. T'as tout foiré en deux minutes. Tu lui en veux à elle aussi ! D'être venue te trouver alors que son mec aurait du être là pour elle... Tu la sens se rapprocher, t'ouvres pas les yeux, tu restes comme ça, c'est la seule manière que tu trouves pour rester concentré sur ce qu'elle te dit. Et là, elle te balance une tonne de vérités à la figure, tu l'as abandonné, elle a souffert, elle a pleurer, broyé du noir, essayer d'oublier, et toi t'as tout gâché, tout ses efforts... La tristesse monte en toi, t'as ressentis exactement la même chose qu'elle sauf que toi tu l'as choisis, t'as choisis de la quitté, parce que t'étais plus confortable avec cette idée que celle de faire sortir ta jumelle de ta vie. T'aimes pas entendre tout ça. Elle te demande de quel droit tu t'es permis toutes ces conneries mais toi, t'es d'accord avec elle, t'avais pas le droit, mais bourré, t'as pas pu t'en empêcher... Tu l'as embrassé. Tu sens encore ses lèvres sur les tiennes, ça t'avait tellement manqué, t'as envie de recommencer là maintenant. Vivre loin de l'amour, c'est trop difficile... "Je suis désolé." Tu te répètes, t'arrêtes pas de lui dire que t'es désolé mais elle s'en fiche de ça ! Elle, elle veut que tu lui expliques, t'es pas sûr d'en être capable en tout cas... "J'ai merdé." Tu dis, sans déconner, elle le sait ça ! Tu savais que t'allais la faire souffrir en la quittant, tu pensais pas que ça allait être autant, t'as envie de pleurer, putain, tu sens les larmes qui montent dans tes yeux, tu veux pas qu'elle te voit comme ça. T'es incapable de les retenir alors tu poses ta main sur tes yeux, en espérant qu'elle pense à ton mal de crâne plutôt qu'à tes émotions. "Je pensais être capable de tenir, mais j'y arrive pas." Tu restes énigmatique, tu penses en même temps que tu parles. Tu hésites mais c'est le moment, t'as plus le choix maintenant, puis tu vois difficilement comment tu peux t'échapper, elle est entre toi et la porte. "J'ai jamais voulu te faire souffrir... Je voulais juste que..." T'arrives pas à trouver les mots, t'es bon d'habitude avec les mots mais là, t'as pas les idées claires. "Je vais pas me marier, j'ai pas été avec quelqu'un depuis toi, Lucie n'existe pas et tu me manques oui, tu me manques..." Tu avoues finalement. "Vis ta vie Kayla, s'il te plait, laisse moi, tu perds ton temps." Tu lui dis finalement en soupirant, t'as juste envie qu'elle s'en aille... 

Elle lui avait tout dit. Ou plutôt, tout balancé à la figure. Elle qui vantait tellement la maîtrise de soi, elle n’avait pas réussi à se retenir. Au fond, elle aurait sans doute préféré qu’il n’en sache absolument rien. Au fond, elle aurait voulu qu’il pense que quand il l’avait laissée tomber comme une vieille chaussette, elle avait relevé fièrement la tête, décidant qu’il ne valait pas la peine de pleurer, chantant tant bien que mal « I will survive » de Gloria Gaynor. Elle aurait voulu qu’il la croit plus forte, qu’il pense qu’elle avait tourné la page sans trop de difficulté, réussissant à penser qu’il n’en valait finalement pas la peine. Mais c’était faux, tellement faux. Elle avait été effondrée, tout simplement. Brisée. Comment aurait-il pu en être autrement ? Elle pensait que c’était l’amour fou, entre eux deux… L’amour qui pouvait tout vaincre, surmonter absolument tous les obstacles. Elle s’imaginait faire sa vie avec lui. Une jolie petite maison. Deux, trois, quatre enfants. Elle lui avait offert son coeur sans condition, comme la vraie idiote qu’elle était, il était même le premier qu’elle aimait suffisamment pour lui offrir son corps. Comment aurait-elle pu ne pas souffrir ?

Il s’excusait. Oui, il s’excusait toujours. Mais est-ce que ça changeait quelque chose ? Il disait qu’il avait merdé. Oui, ça, elle aurait pu s’en rendre compte toute seule… Il s’agitait un peu. Capable de tenir quoi ? Il parlait mystérieusement. Elle n’arrivait pas à le suivre, même si son cerveau était actuellement plus opérationnel que le sien. Il n’avait jamais voulu la faire souffrir ? Oui, sans doute, du moins osait-elle l’espérer. Ce n’était pas intentionnel, d’accord, mais il l’avait quand même fait et bien comme il le fallait. Elle lui prenait la tête, c’était un fait, mais il semblait commencer à s’ouvrir. Enfin. Et la vérité se dessinait, les contours du moins. Elle en resta bouche bée. Il n’allait pas se marier. Il n’y avait pas de Lucie. Elle lui manquait. Hébétée, elle cligna les yeux à plusieurs reprises, comme si c’était soudain elle qui émergeait et que le soleil la frappait en pleine face. Il lui fallut plusieurs instants pour que les propos du jeune homme montent jusqu’à son cerveau. Elle commençait à faire des liens, à mieux comprendre les choses, mais il lui manquait encore un truc, le maillon principal. Ne tenant aucun compte de sa dernière remarque, elle décida précisément de ne pas le laisser. Pas maintenant, pas alors qu’elle avait l’impression de toucher enfin au but. De discerner ce qu’elle avait désespérément tenter de discerner pendant des mois entiers. Elle posa une main sur l’épaule de son ancien amoureux, sa voix ayant retrouvé sa douceur caractéristique. « Mais… Pourquoi avoir rompu, alors ? Et pourquoi ne pas être revenu si je te manquais ? » Elle était un peu proche de lui, mais elle ne s’en rendait même pas compte, elle ne se préoccupait que de leur conversation, où ça les menait. « S’il te plaît, Timo, j’ai besoin de savoir… Une bonne fois pour toutes… »

T'en as dis des tonnes, maintenant tu vas plus t'arrêter, c'est fini de mentir, elle va sans doute comprendre ton choix et te laisser seul pour de bon. De toute façon, elle va probablement mal le prendre... Tu sursautes quand elle pose sa main sur ton épaule et tu la regardes, tes yeux baignés de larmes. T'as plus honte de rien maintenant, de toute façon, elle t'as vu dans le pire des états. Pourquoi t'as rompu ? Tu veux lui dire maintenant, c'est fini c'est tout. Pourquoi n'être pas revenu ? Tant de questions qui te fond peur, tant de questions que tu voulais absolument éviter. Tu la fixes, regardes ses lèvres, t'as envie de l'embrasser à nouveau mais tu te retiens, t'as pas envie d'essuyer un nouvel échec. Elle a besoin de savoir... Tu comprends, ouais, c'est normale, elle a le droit de savoir... Tu soupires, t'attrapes sa main et la serre contre ton torse nu. Merde, t'es à moitié nu, t'avais même pas encore remarqué. "Je pouvais plus vivre comme ça Kayla." Tu sais qu'elle comprendra pas avec ça seulement. Tu l'aimais tellement, t'aurais préféré qu'elle t'en veuille pour la vie plutôt qu'elle essaye de comprendre ce qui s'était passé entre vous. "J'ai du faire un choix, ça m'a déchiré, tu dois me croire." Tu ne la regardes plus, tu mattes le plafond maintenant, sa main fermement enfermée dans la tienne. "J'ai jamais voulu te quitter, mais... Je peux pas abandonner Shea..." T'as finalement terminé par le dire, c'est la faute de Shea, tu voulais pas le lui mettre sur le dos mais c'est la stricte vérité, tu peux essayer de trouver des excuses mais c'est impossible. Tu ne lui en veux pas. Non, Shea est trop importante pour toi. "C'est elle et moi contre le monde depuis la naissance, je... J'avais plus la force de me battre." Mais t'aurais du te battre, t'as fini par l'abandonné elle en essayant de croire ce que pouvait te dire Shea. Ouais, t'essayais de croire que Kayla n'était pas faite pour toi, t'as jamais réussis pourtant. "Tu sais maintenant. Tu peux partir, il t'attend je suppose et il a de la chance." Tu conclus, ne cessant de la fixer tes yeux dans les siens. 

Il pleurait. Pourquoi il pleurait ? Elle n’était pas sûre de comprendre. Est-ce que ça lui faisait plus de peine qu’elle ne l’avait pensé au départ ? Son coeur se serra soudain. Elle détestait le voir pleurer. Encore l’inverse, c’était moins grave… Elle pleurait bien évidemment beaucoup plus facilement que lui, donc c’était presque normal. Mais lui ? Elle sentit encore une fois toute trace de colère s’envoler. Comment réussissait-il à la faire fondre à chaque fois, malgré tout ce qu’il avait bien pu lui faire subir ? Elle déglutit avec difficulté. Il avait attrapé la main de la demoiselle pour la serrer contre son torse nu. Elle ne l’en empêcha même pas, elle n’en avait pas la force. Et elle l’écouta parler, manquant de tomber à la renverse de sa chaise quand il lui avoua enfin la vérité. Après tout ce temps, elle y avait enfin droit. Le souffle coupé, elle se contentait de le regarder, comme si elle ne l’avait jamais vu. Parce que ça la frappait enfin. Elle comprenait enfin. Du moins, beaucoup mieux. Elle en avait envisagé, des scénarios, allant jusqu'au pire, mais celui-là ne lui avait jamais effleuré l'esprit. Elle se sentait très mitigée, les pensées se bousculaient dans sa tête, les émotions défilaient. « Non, bien sûr que tu peux pas l’abandonner » souffla-t-elle. Elle-même avait trois frères qu’elle aimait d’un amour inconditionnel. La famille, c’était sacré. « Mais… Ce que je comprends pas, c’est que… C’était pas incompatible, si ? J’veux dire… Est-ce que rester avec moi, ça voulait dire l’abandonner ? » Parce qu’elle ne l’aurait jamais poussée à le faire. Elle n’avait pas de jumeau et elle avait parfois du mal à comprendre la profondeur de leur relation, mais elle ne pensait pas s’être interposée entre les deux. Ce qu’elle se disait à l’instant précis, c’était simplement qu’elle-même pouvait très bien aimer à la fois un homme et ses frères. Ce n’était pas parce qu’elle était avec quelqu’un que ses frères étaient moins importants. Jamais de la vie.

Il la regardait dans les yeux. Ces yeux qui la faisaient tellement fondre dans le passé. Des yeux désormais pleins de larmes. N’écoutant que son coeur, elle se pencha vers lui et, de sa main libre, essuya délicatement celles qui coulaient le long de ses joues. Elle ne comprenait pas tout, mais ce n’était peut-être pas si important que ça, au final… « Peut-être que ça voulait dire que notre histoire n'était pas assez importante pour toi, pas autant que pour moi, pas assez en tout cas pour que tu t'accroches. Et tu sais quoi ? J’espère sincèrement qu’un jour, tu rencontreras une fille qui te donnera envie de te battre jusqu’au bout. Pas pour laisser Shea de côté, mais pour la garder elle aussi auprès de toi, sans avoir à faire un choix. »

Non tu peux pas l'abandonner. Shea, c'est ta vie, ta stabilité, ton équilibre, tu peux pas te séparer d'elle, ce serait comme t'arracher une partie de toi. Tu pourrais pas vivre sans cette partie de toi, tu le sais, t'en es même certain. Ta sœur, c'est tout. Rester avec Kayla, était-ce incompapitble réellement ? T'avais jamais vu les choses sous cet angle. Tu voyais ta vie autrement, ta soeur adoptant la femme de ta vie dans la famille. Shea n'avait jamais fait d'efforts avec Kayla, t'étais donc resté convaincu qu'elle n'était pas faite pour toi. Pourtant, ce vide qu'elle avait laissé en toi n'a jamais disparu, t'es misérable depuis, t'essayes de faire bonne figure devant Shea mais t'es plus rien... Rester avec elle ne voulait probablement pas dire que tu devrais abandonner ta jumelle mais... Vous vous étiez toujours si bien entendu que tu n'arrivais pas à trouver la force de te battre pour Kayla. "Je sais pas, K. Je sais plus." Tu dis en soupirant, fatigué de cette nuit et de cette conversation. Ton corps frissonne quand elle pose sa main sur ton visage. Tu serres un peu plus son autre main contre toi, ça faisait longtemps que tu ne t'étais pas sentit aussi proche d'elle. Elle te parle mais t'as du mal à approuver. Elle pense que votre relation était moins importante pour toi que pour elle. Tu l'aimais pas assez pour t'accrocher. Foutaise. Tu l'aimais trop pour t'accrocher, parce qu'elle aurait été malheureuse, sans aucun doute ouais. Tu la connais Shea, tu sais de quoi elle est capable. Elle espère que tu trouveras une fille pour laquelle tu seras capable de te battre. Une fille qui plaira à Shea. Tu secoues la tête vivement, elle ne comprend pas, elle ne comprend rien. Tu ne dois pas être assez clair. "Non, Kayla !" Tu t'exclames, repoussant ses mains pour te redresser, t'asseyant sur ton lit de telle façon que tes genoux touchent ses jambes. Tu poses ta main sur l'une d'elle. "C'est toi que je veux... Enfin... Je sais que t'es avec quelqu'un maintenant, j'accepte ça. C'est que... Je n'aurais jamais personne d'autre." T'es sûr de toi, convaincu de ce que tu avances. "Jamais." Tu renchéris. Tu lèves la main pour caresser sa joue. "Je regrette si tu savais." Elle ne sait pas non, elle ne saura jamais parce qu'à ses yeux t'es un connard. T'as envie de prendre une douche maintenant, effacer toute cette crasse, toutes ces conneries. "Tu devrais partir maintenant." Tu dis finalement en faisant retomber ta main sur tes genoux.  

Il avait éclairé sa lanterne. Elle avait pu rejeter tous ces films qu’elle s’était faits dans sa tête, tous ces scénarios qu’elle s’était imaginés et qui lui faisaient tellement de mal. Pendant longtemps, elle avait cru qu’il avait voulu se débarrasser d’elle parce qu’elle n’était pas assez bien, parce qu’il avait trouvé bien mieux ailleurs. Mais ce n’était rien de tout ça. Pourtant, au fond, ça ne la réconfortait pas tellement. Ça lui ouvrait les yeux, oui, mais sans plus. Au contraire, son coeur se serrait alors qu’elle réalisait qu’il aurait peut-être pu en être autrement s’ils avaient tout simplement discuté et cherché des solutions. Elle était peut-être idéalise et naïve, mais… Ça aurait pu s’arranger, non ? Maintenant, c’était trop tard.

Elle sursauta quand il réagit un peu plus fermement que ce à quoi elle s’attendait. Repoussant ses mains, il s’était redressé, se rapprochant d’elle, une main posée sur la jambe de la demoiselle. Ce contact la troublait un peu, mais elle s’efforça de ne pas le montrer. Et ce qu’il disait, alors… Elle eut l’impression que son coeur se brisait. Pour la deuxième fois. Mais ce n’était pas possible, non ? Apparemment, si. Elle avait envie de lui dire que si, bien sûr qu’il trouverait quelqu’un, peut-être même quelqu’un qui lui conviendrait mieux, malgré la beauté de la relation qu’ils avaient entretenue. On ne pouvait pas être aussi blasé à vingt-trois ans. Elle referma sa main sur la sienne, la serra. Au fond, elle savait qu’il était inutile de le lui dire, il n’en démordrait pas. Le temps lui prouverait peut-être qu’il avait tort - du moins, elle l’espérait pour lui.

« Je regrette aussi. » La main de Timo sur sa joue. Elle inspira profondément tandis qu’un frisson lui parcourait l’échine. Il était trop près. Finalement, n’y tenant plus, elle se rapprocha encore et, s'asseyant sur ses genoux, passa ses bras autour de la nuque de l’homme qu’elle avait tant aimé. Et elle se blottit contre lui, comme elle aimait tellement le faire avant, posant sa tête contre le torse du jeune homme. Quand elle était triste, quand elle avait besoin de se sentir en sécurité, en toutes circonstances en fait, elle se blottissait toujours contre lui avant. « J’espère que tu mèneras une belle vie. » Et c’était sincère. « Est-ce que tu as besoin d’autre chose avant que je m’en aille ? » murmura-t-elle. D’autres cachets, une autre bouteille d’eau, une autre couverture, un T-shirt, n’importe quoi, tant qu’elle pouvait lui apporter un tout petit quelque chose, avant de lui dire au revoir.

Elle regrette alors. Vous regrettez tout les deux mais tu peux plus rien y faire. T'aimerais tellement ne jamais l'avoir abandonner, elle te manque trop, beaucoup trop. Tu voudrais revenir en arrière, continuer ta vie d'avant, quand elle et toi, vous étiez un couple parfait, exemplaire, tu vous aimais vraiment bien, c'est ça le truc, t'appréciais ce que vous étiez tout les deux. Sa présence te manque, son sourire, ses baisers, sa tendresse. T'arriveras jamais à te remettre de ta décision. La pire décision de ton existence pour le moment. Tu ne t'attendais pas ça. Non, tu t'attendais pas à ce qu'elle s'approche un peu plus pour finalement se retrouver sur tes genoux. Tu l'entoures de tes bras, déposes un baiser sur le haut de sa tête. Ça te fait du bien de la sentir contre ta peau. Ça faisait longtemps que tu ne t'étais pas sentis comme ça. Ça t'apaise vraiment beaucoup, tu la serres contre toi même, t'as plus envie qu'elle s'en aille maintenant, t'as besoin de rien, non, juste d'elle mais ça, elle n'est plus disposée à te l'offrir. T'as beau y réfléchir, tu vois pas vraiment comment tu pourrais vivre une belle vie avec une autre. Ta belle vie, tu l'as déjà vécu avec Kayla, c'est fini maintenant, fini. La sentir contre ta peau te grise légèrement. Tu passes ta main dans ses cheveux, ces longs cheveux blonds que t'as toujours adoré. Tu l'obliges à te regarder, dans les yeux, tu pourrais pas supporter plus, t'y arrives même pas là, t'as envie de plonger et de l'embrasser une nouvelle fois. T'as pas peur qu'elle te repousse, t'aimerais juste qu'elle revienne vers toi simplement, qu'elle oublie tout et que la vie reprenne son cours, comme après une pause de quelques minutes. "J'ai besoin de toi." Tu souffles tout près de ses lèvres avant de les déposer doucement sur sa bouche pour la deuxième fois en quelques heures. Tu sais que tu ne devrais pas faire ça, tu sais très bien qu'elle va sans doute te repousser mais au fond de toi, t'espères qu'elle ressent la même chose que toi, que malgré tout ce que tu lui as fait subir, elle t'aime toujours. Ouais, t'aimerais toi, que ces sentiments qui ont été les siens à ton égard soient toujours là, tu voudrais vraiment qu'elle redevienne ta petite amie, qu'elle oublie son mec et qu'elle te garde toi, celui qui lui a brisé le coeur. T'y mets tout ce que t'as, toute l'énergie qu'il te reste, tu veux pas la faire fuir mais si c'est le dernier, pour toujours, tu préfères en profiter. S'il te plait, Kayla, reviens moi. Elle va t'en vouloir mais... De toute façon, elle t'en veux déjà pour tant de choses, t'es plus à ça près.  

Elle ne savait plus très bien à quoi elle pensait à l’instant précis, ni même si son cerveau était opérationnel à cent pour cent. Ça faisait trop de choses d’un coup, elle avait du mal à encaisser, à emmagasiner et surtout, ça lui faisait de la peine de se dire que si elle avait su la vérité plus tôt, ils auraient peut-être pu changer quelque chose. Mais ce n’était plus la peine d’y penser, désormais. Pourtant, elle avait bel et bien l’impression de se retrouver projetée dans le passé, d’une manière aussi brusque qu’inattendue. C’était elle qui s’était assise sur ses genoux, elle qui avait passé les bras autour de sa nuque, elle qui avait posé la tête contre son torse, espérant entendre les battements du coeur de son premier amour. Elle ne savait pas ce qui lui prenait, elle avait juste agi comme ça, sans réfléchir, sans penser aux conséquences de ses actes. Elle avait juste envie d’être auprès de lui, sans doute pour la dernière fois, de profiter d’une dernière étreinte, maintenant qu’elle savait qu’il ne l’avait pas abandonnée pour les raisons qu’elle s’était imaginées. Maintenant qu’il lui avait dit toutes ces belles choses qui lui auraient tant fait plaisir avant, mais qui à l’instant précis ne faisaient que lui déchirer le coeur. Avant de lui dire au revoir. Des sensations qu’elle avait si souvent partagées avec lui, mais qu’elle avait oubliées. Oublié, ce que ça faisait d’être dans ses bras, alors qu’elle avait coutume de dire que c’était seulement comme ça qu’elle se sentait protégée. Il l’entourait de ses bras, déposait un baiser sur sa tête, passait la main dans ses cheveux. Elle ne se souvenait que trop bien à quel point il était capable d’être tendre avec elle, affectueux, tout ce qu’elle désirait. Il souleva délicatement son menton pour plonger son regard dans le sien et elle se perdit dans ses prunelles sombres. Elle avait l’impression de réussir à lire en lui, comme avant, quand elle le comprenait avant même qu’il parle. Il disait qu’il avait besoin d’elle. Elle sentait ses dernières résistances s’effondrer, comme si rien ne s’était passé, comme s’il ne l’avait pas laissée tomber, comme s’ils n’avaient jamais arrêté. Son petit coeur fondait et quand il posa ses lèvres sur les siennes, elle se sentit incapable de le repousser. Son rythme cardiaque s’accéléra, elle se redressa légèrement, posa une main sur son épaule et captura ses lèvres à son tour. Son autre main s’aventura dans les cheveux du jeune homme, elle y fourra ses doigts non sans enthousiasme. Leurs souffles se mêlèrent, leurs corps se tendant dans cette étreinte, leurs langues se rejoignant dans une danse endiablée.

Tu t'attends à ce qu'elle te repousse, à tout instant, c'est la deuxième fois que tu l'embrasses et rien n'a changé, t'es toujours le connard qui l'a quitté et elle a toujours un mec qui l'attend plus haut dans les étages. T'es prêt à en ressortir le cœur brisé une fois de plus et quand elle se redresse, tu te dis "c'est bon, c'est fini pour de bon cette fois". Mais non. Elle te rend ton baiser, oui, elle t'embrasse alors que tu lui as tout dis, elle t'embrasse alors qu'elle est censé en aimer un autre. T'es sur un nuage, surpris certes mais tu profites parce que tu sais pas exactement combien de temps ça va durer. Sa main dans tes cheveux te rappelle des souvenirs vieux mais inoubliables. T'as l'impression que c'était hier que vous étiez encore ensemble, heureux, main dans la main, joue contre joue, lèvres mêlées. T'as rien oublié de tout ça. Jamais tu le pourrais. Ta langue s'aventure vers la sienne, amoureusement. T'es plus dans ta chambre à Capri à présent, t'es de retour à Séville, cette ville qui a vu naître et s'évanouir votre amour. Tu poses ta main sur sa cuisse, n'hésites plus une seule seconde à monter le long de sa jambe, sous sa jupe, jusqu'à sentir ses sous vêtements sous tes doigt. Tu caresses sa peau du bout des doigts, lentement. Tu veux qu'elle comprenne combien elle représente pour toi, combien ça t'a coûté de la quitter, combien t'es prêt à tout pour la retrouver. Tu penses plus au bien et au mal, maintenant, il n'y a plus qu'elle et toi, vous ne faites plus rien. Ton autre main s'aventure dans son dos, contre sa peau. Tu rejoins son soutien gorge non sans mal que tu dégrafes avec facilité. T'as envie d'elle, t'as envie de goûter, chaque parcelle de son coeur, de plus en plus, chaque secondes. Maintenant qu'elle est là, ouverte, à ta merci, tu veux plus attendre, tu te libères, tu profites, tu ne penses presque plus à reprendre ton souffle. Tu bouffes littéralement ses lèvres, ton coeur n'est plus de ce monde, il bât, rapidement, sans doute trop rapidement, peu importe, t'as envie qu'elle le sente elle, qu'elle comprenne combien tu l'aimes, combien t'es heureux juste en cet instant. Elle est le meilleur remède que t'aurais pu imaginer, une dose d'amour et d'adrénaline. Elle est l'amour de ta vie, l'abandon total de ton existence, t'es amoureux jusqu'à la moelle de cette fille et t'arriveras jamais à te défaire de cette attirance, c'est pas faute d'avoir essayer. Tu te souviens maintenant ce qui te plaisait tant dans votre relation, c'était cette intensité de tout les jours, ce côté ardent, cette chaleur, ça t'avait manqué. "Je t'aime." Tu souffles entre deux baisers, incapable de te retenir, plus capable de mentir. Tu l'aimes de tout ton coeur, tu l'aimes sans doute autant que tu aimes Shea à qui tu ne penses même plus maintenant. 

Ils étaient complètement déconnectés du monde. Dans leur petite bulle. Plus rien n’existait. Comme avant. La passion à l’état pur, la tendresse d’un amour inoubliable. Elle lui avait rendu son baiser, un peu timidement d’abord, mais pas très longtemps. Elle n’aurait jamais pensé goûter à nouveau à ses lèvres, à l’ivresse des sensations qu’ils avaient l’habitude de partager ensemble. Elle ne sentait que trop bien à quel point il était heureux qu’elle soit là, auprès de lui. Il n’avait pas attendu pour laisser ses mains s’égarer sur le corps de la demoiselle. L’une d’elle était remontée le long de sa cuisse, sans la moindre hésitation. Ses caresses lui arrachèrent un soupir de plaisir. Tout lui revenait en mémoire, à quel point il savait bien s’y prendre avec elle, pas seulement parce qu’il avait envie d’elle, mais aussi et surtout parce qu’il savait lui montrer qu’il l’aimait. Il ne lui en avait pas fallu plus pour se montrer entreprenant. Elle agrippa son épaule tandis que la main du jeune homme remontait le long de son dos pour dégrafer son soutien-gorge. Elle était à bout de souffle, mais elle ne voulait pas s’arrêter. Ses doigts parcoururent le dos de son ancien amoureux, ce dos musclé, ces épaules larges. Elle pressa son corps contre le sien. Il la rendait folle, complètement folle, réveillait en elle des sentiments qu’elle pensait avoir réussi à enterrer. Complètement réceptive à toutes ses marques de tendresse, elle entoura les hanches de Timo de ses jambes, se laissant aller, continuant à l’embrasser comme si sa vie en dépendait.

Et étrangement, il suffit qu’il s’arrête pendant deux secondes, qu’il prononce trois mots pourtant magiques, pour qu’elle revienne brusquement à la réalité. Je t’aime. Trois mots censés être prononcés par son copain, même s’il n’était pas aussi romantique. Son copain. Elle se donnait elle-même la nausée. « Non, attends, s’il te plaît » finit-elle par murmurer, soudain au bord des larmes, mettant fin à leur étreinte. Elle se laissa glisser à côté de lui, sur le lit, se sentant affreusement mal. « J’peux pas faire ça, j’suis vraiment désolée, j’te demande pardon. » Elle inspira profondément, incapable de croiser son regard. Sa jupe était remontée, ses cheveux étaient défaits, elle s’efforça de s’arranger, mais à quoi bon ? « S’il te plaît, écoute-moi. Je pensais avoir réussi à t’oublier, mais c’est faux. Je crois qu’une part de moi t’aimera toujours, peu importe ce qui pourra arriver. Mais… Mais s’il doit à nouveau se passer quelque chose entre nous, si c’est ce que tu voudrais… C’est suffisamment important pour que ça mérite d’être fait dans les règles, non ? » Elle aurait voulu poser une main sur la sienne, mais elle n’osait plus le toucher, consciente de l’affront qu’elle lui faisait sans le vouloir.

Tu penses que c'est bon, que maintenant, plus rien ne peut vous arrêter. T'es le mec le plus heureux du monde en cet instant. T'es dégoûté quand elle s'arrête et qu'elle te repousse. Oui t'attends mais t'en as pas envie, t'as besoin de ses lèvres, t'as besoin de sa peau, tu sais pas si t'arriveras à faire sans maintenant. T'es sûr et certain qu'elle ressent ce que tu ressens aussi. Tu sens le froid s’immiscer en toi alors qu'elle glisse sur le lit à tes côtés. Tu préférais quand elle se trouvait sur tes genoux. Tu soupires, te frottes la tête, ton mal de crâne s'est évanouis aussi vite que ton armure de pierre. Elle est tout ce que tu as besoin pour aller bien. Elle peut pas faire ça, elle s'excuse et toi, tu secoues la tête, parce que c'est à toi de t'excuser, c'est toi le fautif, c'est toi qui l'oblige à se mettre dans une situation délicate vis-à-vis de son crétin de mec que t'aime pas d'un pouce. Tu l'admires parce qu'elle pense toujours à tout, aux autres, au bien et au mal. Toi, tu penses qu'à toi généralement et ça t’écœure. Elle te fuit et ça t'emmerde, t'aimerais qu'elle te regarde quand elle te dit tout ça, juste pour pouvoir profiter de ses yeux un peu plus longtemps. Tu l'écoutes oui, tu bois ses paroles alors que t'essayes de calmer l'excitation qui montait en toi quelques secondes plus tôt. Elle t'aime toujours, t'es heureux de l'entendre putain, t'as jamais entendu si doux à ton oreille. Oui c'est ce que tu veux, tu la veux à nouveau dans ta vie. Basta Shea, elle sait très bien que tu l'aimeras toute ta vie mais t'as besoin de plus pour être heureux. Elle a envie de te faire confiance mais elle ne le fait pas, tu le sais et tu comprends pourquoi, tu l'as cherché en même temps. Ça te brise légèrement le cœur d'ailleurs. Tu hoches la tête cependant, elle a raison. "Kay, c'est moi qui suis désolé je..." Tu sais pas quoi dire, t'es encore un peu abasourdi par tout ce qui vient de se passer. Tu baisses la tête pour regarder tes mains, lâchement retombées sur tes genoux. "J'aurais du me battre pour toi... C'est quand je t'ai vu ici, avec ce gars, je... Je suis jaloux." T'avoues. T'as pris conscience à ce moment là que toi, tu pouvais pas la voir avec un autre, c'est trop dur, trop déroutant. T'en a crevé de jalousie pendant des heures, des nuits durant même là, de la savoir avec un autre, ça te fait mal. "J'aurais voulu être à sa place, c'est moi qui aurait du t'emmener ici... C'est moi qui devrait partager ta chambre..." Tu lèves la tête vers elle, prêt à tout dire maintenant, absolument tout. "Je ne regrette pas hier soir." Tu te rends compte que si elle n'était pas venue te voir, si tu n'avais pas été bourré, si t'avais pas foutu ta patate dans la gueule de l'autre con, t'aurais jamais eu les couilles de dire quoique ce soit.

Elle s’attendait à la pire des réactions en le repoussant ainsi. Bien sûr qu’il était frustré, il ne devait rien comprendre, à ce qu’elle voulait, à ce qu’elle cherchait, à elle en général. Elle l’entendit soupirer, visiblement déçu et elle le comprenait, mais elle ne pouvait pas aller plus loin, pas encore du moins. Et finalement, quand elle eut terminé de parler, attendant le verdict, elle sentit soudain son coeur s’alléger. Il lui disait qu’il était désolé. Qu’il aurait dû se battre pour elle. Qu’il était jaloux de la voir ici avec un autre. Qu’il aurait voulu être à sa place. Qu’il ne regrettait pas ce qui s’était passé la veille. Tant de belles choses, qui lui réchauffaient le coeur. Elle leva finalement les yeux vers lui, se perdant à nouveau dans ses prunelles sombres. Elle aimait le regard qu’il posait sur elle. Il l’avait toujours regardée et traitée comme si aucune autre fille n’existait. « Je regrette pas non plus. Tu m’avais tellement manqué. J’essayais de te détester, mais j’ai jamais réussi » souffla-t-elle. Elle avait enfin l’impression qu’un voile était levé. Elle attrapa alors sa main dans la sienne. Elle voulait que ce moment se prolonge indéfiniment. Mais il lui manquait quelque chose, quelque chose qu’elle avait besoin d’entendre. Elle avait toujours été comme ça, Kayla, elle avait besoin d’être rassurée et quand ils étaient encore ensemble, il était le champion pour ça. « Est-ce que… Est-ce qu’aujourd’hui, tu serais prêt à te battre pour moi ? Je veux dire… Ça a changé ? Parce que sinon… J’pourrais pas supporter une deuxième fois le coeur brisé, Timo. S’il te plaît… » C’était dur, trop dur. Revivre ça, c’était hors de question.

Elle ne regrette pas non plus. D'accord, tu sais pas trop ce que tu ressens en cet instant, de la frustration oui, de l'amour aussi, du soulagement probablement mais tu te sens pas bien non plus, t'as la nausée, probablement des restes d'alcool qui te rendent malade. Tu lui as manqué, ça te fait plaisir, tu souris même, maigrement. Elle a jamais réussis à te détester, tant mieux, parce que t'aurais jamais pu supporter sa haine. Sa main sur la tienne te provoque une décharge électrique. Cette main qui se trouvait dans ton dos quelques minutes plus tôt. Tu la regrettes, vraiment. Tu mêles tes doigts aux siens, lentement. Elle te demande si t'es prêt à te battre maintenant, elle évoque les débris de son coeur, ça te touche, comme un sceaux d'eau froide balancer sur ta tête. Tu sais pas quoi répondre, t'as peur tout à coup, tu veux tout lui promettre, tout. Mais t'es jamais sûr de pouvoir tenir tes promesses, t'as déjà faillis la première fois. Tu lui serres la main en soupirant. "J'ai envie de me battre." Tu lui avoues, mais est-ce que tu serras assez fort ? T'en sais rien. T'as déjà l'expérience d'avoir vécu sans elle, tu détestes ça. T'iras parler avec Shea, lui expliquer ce que tu ressens, elle comprendra, elle ne peut que comprendre. Enfin... Tu sais pas finalement. "Shea..." Tu commences. Tu sais pas si t'as envie de lui dire que ce que tu vas dire mais t'y vas parce que finalement, t'as plus rien à perdre. "Shea, elle a du mal à me voir avec quelqu'un, elle... Je pense qu'elle a peur de me perdre, ou que j'aime quelqu'un plus qu'elle." Tu dis, dévoilant tout ce que tu as sur le coeur. "C'est pour ça que je t'ai quitté." Voilà la vérité, complète. Tu sais pas comment lui faire comprendre, à ta soeur, que quoiqu'il arrive, t'auras toujours assez d'amour pour elle. "Je sais pas comment faire sans briser son coeur à elle aussi..." Tu finis en secouant la tête, totalement perdu.  

Elle l’écoutait parler, simplement, sans rien dire. Il confirmait ce qu’elle pensait avoir compris grâce à leur conversation précédente, avant que les choses ne se précipitent. Elle ne comprenait pas que Shea ne puisse pas accepter qu’une fille fasse partie de la vie de Timo, après tout, ils étaient heureux quand ils étaient ensemble… Tellement heureux. Mais elle n’avait jamais rien dit, parce que ce n’était pas la peine d’en rajouter une couche. Elle s’était contenté d’avoir mal dans son coin, remerciant presque le ciel que ses frères ne soient pas aussi possessifs. Elle-même n’avait jamais été comme ça, oh elle les aimait vraiment très fort, c’était une certitude, mais… Son frère aîné, par exemple, était marié et elle n’avait jamais eu le sentiment de se sentir délaissé ou quoi que ce soit. Après, les jumeaux, c’était sans doute différent, surtout ceux-là. Ils n’étaient que tous les deux, depuis toujours, entre un père qui les avait abandonnés et une mère bipolaire, ils s’étaient forcément soutenus dans toutes les situations possibles et imaginables. Mais… Elle n’avait jamais essayé de mettre des distances entre eux, jamais. « J’suis pas un monstre, tu sais » rappela-t-elle d’une toute petite voix. « Elle a peut-être juste besoin de se sentir rassurée. Que tu lui dises. Que tu lui montres aussi. » Il avait glissé ses doigts dans les siens et elle baissa les yeux vers leurs doigts entrelacés. Les larmes avaient commencé à lui monter aux yeux, elle n’aurait même pas su dire pourquoi, même pas su expliquer. Elle posa la tête sur l’épaule de Timo, s’appuyant contre lui, non seulement parce qu’elle recherchait la chaleur qui émanait de lui, mais aussi parce qu’elle ne voulait pas qu’il voit qu’elle avait les larmes aux yeux. « Je… Je sais pas. Je crois que c’est entre tes mains, aussi horrible que ça puisse te sembler. »

Tu sais très bien qu'elle n'est pas un monstre, non, elle n'a rien d'un monstre, c'est ton amour. Cette fille est adorable, tu en es convaincu, Shea elle, n'en est pas bien sûre pour le coup... Peut-être qu'elle aurait besoin que tu lui montres mais t'as jamais su comment faire, la vie a toujours été tellement facile avec ta soeur, t'as toujours tout fait pour lui faire plaisir, pour lui faciliter la vie, tu vois difficilement comment faire. T'es prêt à te bouger pourtant, ouais. Ça t'as foutu un coup de la voir comme ça, apparaître devant toi alors que tu ne t'attendais pas le moins du monde de la voir ici, dans ta nouvelle vie, dans cette vie en tout cas qui est la tienne pour encore quelque temps. Sentir sa tête sur ton épaule te rend d'autant plus triste, tu peux plus te passer de ça maintenant que t'y a goûté à nouveau maintenant. Tu soupires longuement. C'est entre tes mains oui, il n'y a que toi qui peut te dépêtrer de ce merdier mais t'as plus envie de la quitter. Tu ne veux plus qu'elle t'échappe une nouvelle fois, d'autant plus quand tu penses au fait qu'elle est ici avec quelqu'un. "J'ai besoin de toi Kayla." Tu lui dis en serrant une fois de plus ses doigts. T'as besoin d'elle, de l'avoir près de toi, de savoir qu'elle t'aime et qu'elle t'attendra malgré tout. T'as pas envie de le lui demander, tu veux juste savoir si cette chance qu'elle te donne est belle et bien là, que si tu te bats, elle sera là pour toi. "J'ai choisis de venir ici parce que tu n'y étais pas." Tu avoues, tu n'en finis plus de dire ce que tu portes sur ton cœur depuis trop de temps. "J'arrive pas à t'oublier, j'ai plus envie d'essayer, je te veux, je... je t'aime !" Tu t'exclames, comme une évidence, comme si tu le disais pour la première fois. "Et ton mec ?" Tu demandes finalement, laissant retomber tes épaules et tes belles volontés, tu sais qu'elle n'est pas libre, t'as passé ton tour, t'espère juste au fond de toi, qu'elle t'aime plus que lui, même si c'est horrible, même si tu te détestes de penser ce genre de chose. 

Elle ne savait plus très bien quoi penser, plus très bien où se mettre. En à peine quelques heures, les choses s’étaient précipitées, d’une manière pour le moins inattendues. Rien ne s’était passé comme prévu. Elle était censée passer des vacances avec son mec. Il était là pour bosser et s’éloigner d’elle. Et finalement, ils se retrouvaient tous les deux dans cette chambre. Comme avant. Le bon vieux temps. Sauf qu’entre-temps… Entre-temps, des erreurs avaient été commises des deux côtés.

Elle rougit de plaisir en l’entendant à nouveau dire qu’il avait besoin d’elle. Il avait vraiment été un petit ami parfait, avant de rompre. Il savait toujours lui rappeler à quel point elle comptait pour lui, qu’elle était la seule qui l’intéressait. Et même si elle s’en voulait pour ça, aujourd’hui encore, ça lui faisait très plaisir d’entendre des mots aussi doux de sa bouche. Il lui disait qu’il l’aimait, c’était tellement beau, tellement magique, elle aurait voulu prolonger ce moment indéfiniment, qu’ils ne soient pas rattrapés par les conséquences de leurs actes plus tard.

Finalement, elle leva les yeux vers lui, à nouveau, enfin. Elle plongea son regard dans ses yeux bruns, qui contrastaient tellement avec les siens. Il avait encore serré ses doigts et ce contact la réconfortait. « Je t’aime aussi » avoua-t-elle, en déposant un baiser sur son épaule. Il avait soulevé une question capitale. LA question. Le sentiment de culpabilité l’avait déjà envahie. « Il… Il est vraiment gentil avec moi… Mais… C’est pas pareil, j’arrive pas à l’expliquer… » Elle poussa un soupir, parce qu’à ce moment-là, elle aurait voulu se flinguer. « Je sais même pas comment je vais réussir à lui dire tout ça… J’pourrais pas le regarder dans les yeux… Il mérite beaucoup mieux que moi ! »

T'as toujours adoré ses yeux, tu pourrais passer ta vie à la regarder quand elle pose ses yeux sur toi. Tu préfères amplement ce que tu vois maintenant que plus tôt dans la matinée. Elle ne te regarde plus comme un extra terrestre. T'as presque retrouvé ta place même. Elle t'aime aussi. Ton coeur se réchauffe sous ses paroles, ça fait des mois que tu t'es pas sentis comme ça, t'es presque heureux de la savoir près de toi, si proche de toi, si ouverte, si prête à te reprendre malgré tes erreurs. Tu pourrais sauter dans tout les sens si t'avais pas la gueule de bois. Ses lèvres sur ta peau te feront toujours le même effet tu penses. Jamais tu t'en lasseras, ça t'électrise des pieds à la tête. Il est gentil, d'accord, toi aussi t'es sympa quand tu veux, tu peux pas t'empêcher de vouloir être meilleur pour elle que ce gars que tu ne connais pas vraiment. C'est pas pareil, tant mieux. C'est mieux avec toi, t'espères. Toi t'as jamais vécu mieux qu'avec elle. Il mérite mieux qu'elle. Ça se fige. T'imagines pas bien comment c'est possible. "Non, je ne pense pas. Il n'y a pas mieux que toi." Tu dis, sincère. Tu penses vraiment que tu ne trouveras jamais une fille qui comme Kayla, pourra te rendre aussi heureux. Toi, t'es sûr de toi. C'est elle, pour la vie. Même si tu sais pas si t'arriveras à être à la hauteur. T'as envie de la toucher, de sentir sa peau sous tes mains, de l'embrasser comme si ta vie en dépendait. Tu veux plus sortir de cette chambre et tu veux qu'elle reste avec toi surtout. Pas qu'elle retourne avec lui. Tu lèves ta main pour la poser sur sa joue, caressant sa peau de ton pouce. "T'es belle." Tu dis, toujours amoureux de cette fille qui fut ta copine au meilleur moment de ta vie. "Je pense pas que ce soit un hasard si tu te trouves ici, encore sur ma route." T'es convaincu que le destin joue avec toi, ou se joue de toi, tu sais pas bien mais quoiqu'il en soit, t'es content qu'elle soit ici maintenant. "C'est lui qui ne te mérite pas, moi non plus je ne te mérite pas d'ailleurs." Je finis, elle est trop bonne pour nous, trop gentille, toujours prête à faire le bien. Toi à côté, t'es un con, tu l'as quitté et tu l'obliges à se mettre dans une situation difficile, non tu ne la mérites définitivement pas. Mais t'as envie d'être avec elle, alors t'es un égoïste, toujours. Tu baisses le regard vers ses lèvres, t'as tellement envie d'y goûter à nouveau, mais tu sais qu'elle, elle veut mettre de l'ordre avant, ça te rend malade, ou alors c'est tout l'alcool que t'as ingurgité hier. Un peu des deux sans doute. 

Il lui disait qu’il n’y avait pas mieux qu’elle… C’était vraiment gentil de sa part, une marque de confiance indéniable. Mais quelle était la part de vérité dans ses propos ? « T’es adorable » souffla-t-elle parce qu’il lui remontait le moral. Mais en réalité, elle savait que si, une fille mieux qu’elle, elle aurait pas embrassé son ex alors qu’elle est en vacances avec son petit ami. Une fille mieux qu’elle, elle aurait un peu plus réfléchi aux conséquences de ses actes, vu plus loin que le bout de son nez. Mais lui, il y croit. Et ça, ça fait un bien fou. Sa main sur la joue de la demoiselle la fait frissonner. Ça lui avait tellement, tellement manqué. Comme ses mots d’amour. Comme ses compliments. Elle avait envie de se perdre dans ses prunelles sombres. « Merci, Apollon. » C’était sa manière à elle de lui retourner le compliment. Elle était vachement perturbée, par tout ce qui venait de se passer, d’avance aussi par tout ce qui allait probablement se passer bientôt. « Tu crois… ? » Pas un hasard ? Un coup du destin, alors ? Ou de quoi que ce soit d’autre dans le genre ? « J’veux y croire, moi aussi. J’espère juste ne pas être déçue encore… » Son ton était devenu implorant, même si elle savait au fond qu’elle n’y pouvait pas grand-chose. Mais c’était tellement son truc, d’être naïve, sensible, de croire à tout, particulièrement à l’Amour… Quand elle retombait, la chute n’en était que plus terrible. Elle secoua la tête quand il affirma que ni lui, ni son copain ne la méritaient. Elle ne parvenait plus à se concentrer comme il le fallait. Elle aimait tellement le regard qu’il posait sur elle, tout ce qu’elle pouvait y lire. Elle se leva doucement, se posta face à lui et posa les deux mains sur ses épaules avant de l’embrasser sur le front. « Laisse-moi faire les choses… De la manière la moins incorrecte possible, d’accord ? »

Kayla te fait sourire, ça faisait longtemps que t'avais pas sourit aussi sincèrement pour une autre que Shea. Apollon... T'es qu'un Apollon pour elle ouais. Mais ça te convient d'être ce mec pour Kayla, tu serais à peu près tout pour elle en fait, même un putain de clochard. Ouais tu le crois dur comme fer, t'imagines qui très bien comment le hasard aurait pu se jouer de toi de cette manière. Peut-être qu'inconsciemment, vous l'avez fai exprès, vous vous cherchez depuis le début, tu la cherches en tout cas, toujours, des yeux, tu t'attends toujours à ce que ce soit elle quand quelqu'un frappe à la porte. Aujourd'hui, c'était elle. Elle espère ne pas être déçue à nouveau, ça te fait mal, t'aurais aimé ne jamais la décevoir. "Non, je veux être meilleur pour toi." Tu lui dis, convaincu que quoiqu'il arrive cette fois, si elle te reprend, tu seras un petit ami exemplaire. Le meilleur qu'elle ait jamais eu. Elle t'embrasse sur le front, tu regrettes presque de ne pas pouvoir sentir à nouveau ses lèvres sur les tiennes. Elle est comme ça Kayla, elle, elle pense toujours aux autres, faire les choses correctement, bien, en blessant le moins de monde possible. Tu peux pas dire que ce soit ton cas malheureusement. "D'accord." Tu dis dans un souffle en la regardant dans les yeux, tu peux pas tenir plus, t'arrives à peine à réfléchir alors comme ça impossible. C'est à ton tour d'attraper son visage de tes mains pour déposer un baiser délicat sur ses lèvres. Vous l'avez déjà fait de toute façon, tu vois pas comment cela pourrait ajouter plus à la culpabilité qu'elle pourrait ressentir face à son mec. De toute façon, c'est ta faute, puis t'as déjà prouvé que t'étais égoïste. "Désolé." Tu lui dis en t'éloignant d'elle. Tu restes là quelques secondes puis tu te lèves, t'es en caleçon, tu dois être dans un état pitoyable. "Je vais prendre une douche, tu veux bien m'attendre ?" Tu demandes presque suppliant. "Je t'emmène déjeuner à Capri si tu veux bien." Tu finis prêt à passer un peu de temps avec elle, pour rattraper le temps perdu, même si tu dois te contrôler, même si tu dois te comporter comme si vous étiez de vieux bons amis. 

Un sourire éclaire le visage de la blonde. Il lui dit qu’il veut être meilleur pour elle, c’est tout ce qu’elle a besoin d’entendre. Elle a envie de lui demander s’il promet, mais elle sait que ce n’est pas la peine. Elle sait qu’il va faire de son mieux. Et elle ne veut pas penser au pire, elle peut pas, c’est trop douloureux, pas là, maintenant, alors qu’elle a l’impression de le retrouver, tout juste, enfin. Il lui dit qu’il est d’accord, qu’il va la laisser faire les choses, peut-être pas bien ni comme il faut (pour ça, c’est déjà trop tard, elle n’en a que trop conscience), mais… Au moins, de ne pas les empirer, de ne pas infliger encore plus à Javier, alors qu’il ne mérite déjà pas ÇA. Mais Timo peut pas s’empêcher d’embrasser délicatement Kayla, et elle, elle peut pas s’empêcher de lui rendre son baiser, doucement, comme si c’était le premier. Elle en voudrait bien plus, mais il faut pas, elle peut pas. Pas encore, du moins. Elle a envie de lui dire de pas être désolé, qu’elle était sans doute aussi heureuse de sentir ses lèvres sur les siennes, mais elle le dit pas, parce que c’est sans doute déjà assez difficile pour lui. Alors elle se contente de lui adresser un sourire, un grand sourire, tout en lui caressant la joue. Lui, il se lève, il a envie de prendre une douche, elle le comprend, il doit  toujours se sentir dans un sale état à cause de la veille. Il a envie qu’elle l’attende. Il a envie de l’emmener déjeuner à Capri. Comme avant. Il a l’air implorant. Son coeur se gonfle, mais elle déchante aussitôt. Elle pense à Javier. Il a le droit à une explication… Pas à ce qu’elle continue à agir comme ça, derrière son dos. « Oh, Timo, j’en meurs d’envie, mais… Mais je sais pas si c’est une bonne idée. Je… C’est mieux que lui parle d’abord, tu crois pas ? » Elle lève vers lui ses grands yeux clairs, détaille ses traits fins, les contours de son visage. Il lui a tellement manqué. « Est-ce que… T’as peur de me laisser retourner avec lui ? » Sa voix n’est qu’un souffle. « Je suis désolée. » Elle se dresse sur la pointe des pieds, passe les bras autour de sa nuque, se blottit contre lui. Ça fait du bien. « S’il te plaît, écoute-moi… J’te promets que bientôt, tu pourras m’emmener déjeuner autant de fois que tu voudras. Ce sera même moi qui vais te casser les pieds avec ça, te coller. Avant, il faut juste que… Que je lui dise, au moins… Tu veux bien me laisser faire, dis ? »