vingt-cinq ans qu'elle arpente le monde en feignant être féline sauvage. alors qu'elle n'est que chaton prit dans sa propre embuscade. ☆ son existence, c'est une toupie, un yoyo. ça tourne, ça s'mélange, ça s'emmêle sans jamais vraiment s'arrêter complètement. jazz, elle ment. sur sa vie, sur ses sentiments. dure réalité. elle enterre la vérité. elle se voile la face en servant son cocktail de mensonges. elle tente de s'duper elle et le monde qui l’entoure. mais la réalité la rattrape toujours. ✮ jazz c'est la contradiction. le nord qui vire sud, la lune qui se lève en plein jour, l'hiver qui dégage l'été, c'est l'impossible, l'hypocrite. ☆ elle vante à qui veut l'entendre qu'elle n'a besoin d'aucun homme pour vivre. mais qu'est-ce que tu fais jazz chérie devant l'écran de ton pc quand le soleil est couché?

#1. tu connais l'italie ? t'es née ici entre deux rayons de soleil. tu connais les bases, les classiques. la capitale, les endroits hypes bourrés à craquer de blondasses botoxées. et puis les détails aussi, parce que l'italie, tu l'as dans la peau. #2. et capri, t'en penses quoi ? c'est ce dont t'avais besoin. un paysage épuré, des couleurs vives, fraîches. et puis cet atmosphère translucide, cette aura apaisante. paradis tropicale. #3. la villa médicis, t'y es pour quelle raison ? t'avais besoin d'un endroit où élire domicile pendant cette cure de désintoxication contre les vapeurs un peu trop superficielles de la capitale. #4. tu penses y rester ? tant que tu en auras envie, tant que t'en ressentiras le besoin. #5. quels sont tes plans dans les jours à venir ? respirer.

Plaisir pervers, tu te perds dans tes illusions, tu crois, tu crois. T'as tort. Sa main encore tremblante s’abat brusquement sur l'écran de son ordinateur qu'elle clôt d'un geste sec. Putain. Ses muscles sont en feux, sa respiration s'est égarée, son esprit plane toujours dans les nuages, coincée dans cet état entre le 7 ème ciel et le monde réel. Ses lèvres s'étirent en un sourire malsain, trop malsain pour un visage aux traits légers comme les siens. Elle détonne Jazz. Avec ses boucles qui tombent sauvagement sur ses épaules, ses yeux trop maquillés, ses lèvres rouge sang et ses ongles noir torpeur. Elle s'allonge sur son dos, ses longs doigts s'arrêtent sur son ventre nu, elle est bien, paisible. Elle vient de se faire cent cinquante euros. C'est rapide, pratique et elle fait de mal à personne. Pour elle, c'est une sorte d'émancipation. Papa est pas là pour surveiller ses actes. C'est son truc à elle, ces billets verts, c'est elle qui les a gagnés. Ses ongles s'enfoncent légèrement dans sa peau, elle relève la tête et observe avec une fascination étrange les marques laissées dans sa chair alors qu'elle ressasse sa situation, ce bordel grandissant. Elle est encore jeune, et elle est là, à se faire mater en échange de quelques putains de billets verts. Tout ça pour s'émanciper. Mais où est-ce que sa raison s'est barrée? Le pire, c'est qu'elle aime ça. Le fait d'être là sans défense, nue, ne pas savoir qui la regarde, juste des pseudos derrière lesquels ils, elles se cachent tous. L'inconnu et le danger l'attire. Sauf qu'à travers cet écran, ces pixels, ça pourrait être son putain de père qui la matte. Elle essaie de chasser ses pensées stressantes de son esprit. Ce secret, personne n'est au courant. Personne sauf Ken. Elle était obligée de lui avouer, il l'aurait su un jour ou l'autre de toute façon. Elle lui fait confiance, il a déjà essayé de la raisonner mais elle veut rien entendre Jazz. Ses pupilles  se baladent sur les petites crevasses ancrées dans le plafond. Le ciel dehors est en feu, une brise d'automne entre par vagues dans sa chambre aux arômes de sucre vanillé. Ça paraît tellement sale de faire ça ici, dans sa chambre qui avant cohabitait encore avec son innocence de petite fille. Ses draps en velours rose bonbon jurent avec sa tenue volage. Des bouts d'ficelles. Plaisir pervers. Mais c'est son truc, elle est persuadée de n'être bonne que pour ça. Elle a le corps et les courbes pour. Ça la ronge mais les gens en redemandent donc tout va bien. Jamais elle ne s'avouera qu'elle n'est pas vraiment heureuse, qu'elle aimerait vivre simplement, qu'elle a besoin que quelqu'un la sauve de cet étau dans lequel elle s'est elle-même emprisonnée. Elle sombre jour après jour dans son idéal artificiel. Elle n'a pas besoin d'aide. Sauf que si Jazz. Si.

Ses doigts glissent le long de la reliure en bois, dansent autour de la poignée dorée. Sa lèvre emprisonnée entre ses dents, elle pousse lentement la porte de sa chambre, une pointe d’appréhension au creux des reins. Elle n'a pas peur de trouver un corps en décomposition sur le lit, mais c'est là où elle va passer le plus clair de son temps, pour quelques semaines, peut-être même quelques mois? Le temps de remettre en ordre les pièces de son existence. Elle aimerait que ça soit un minium accueillant, chaleureux. La pièce se dévoile à mesure que la porte s'efface de son champ de vision. Les fenêtres et les rideaux sont ouverts, le bruit des vagues, l'air de la mer l'enveloppent. Elle ferme les yeux un moment, juste le temps de tout respirer, de revenir sur terre. Et puis elle inspecte rapidement les environs. Ses yeux se baladent du nord au sud, de l'est à l'ouest, ils accrochent chaque morceau, chaque détail. Elle passe devant son lit, glisse son ordinateur sur les draps blancs angéliques avant de continuer son exploration. Elle s'arrête sur le balcon, les cheveux balayés par l'air marin. Au loin, la vie. Elle observe pendant un moment. La plage, l'agitation tout en bas. Et elle se dit que finalement elle est plutôt bien tombée. Elle pénètre à nouveau dans la pièce, allume son ordinateur. La musique de la mer en fond sonore. Elle se poste devant le miroir, ébouriffe rapidement ses cheveux, déboutonne son chemisier. Et puis elle se déhanche devant son lit, elle sourit à la caméra. Elle a ce regard aguicheur, le dos cambré, le ventre creusé. Macabre addiction.