Tes lunettes de soleil sur le nez, une vaine tentative pour cacher un trop plein de shots de téquilas. T'as essayé, hier soir, d'oublier la douceur de sa peau sous tes doigts, la force de ses lèvres contre les tiennes, la passion qui s'est dégagée de vos deux corps. T'as essayé d'effacer la gamine de ton esprit, mais hier soir, quand t'as retrouvé ta fiancé, c'était encore à la gamine que tu pensais. Elle a immiscé en toi un sursaut de vie et maintenant, tu te rends compte à quel point elle était ennuyante. Toujours la même routine. Un emploi du temps programmé à la seconde près. Comme cette partie de golf ennuyante à mourir en compagnie du paternel Bianchi et de quelques associés. Comme ce rire affreusement faux qui t'échappe à une blague vaseuse de ton père. Comme cette balle que tu prétends râté pour donner l'impression aux associés de gagner. « Bon jeu, Luca. On se voit plus tard. » Un sourire, un de plus, avant de leur tourner le dos pour retrouver l'une des tables réservée au brunch Bianchi. Tu passes près de la piscine et tu peux pas t'empêcher d'y jeter un coup d’œil pour voir si la gamine y est encore. Elle y est pas. T'es soulagé, déçu un peu, mais c'est pour le mieux. T'as quelques heures de répit. Tes sœurs ne se rendront pas compte que ta vie part doucement en lambeau. Personne n'est encore arrivé. Étonnant. Un regard à ta montre dont le prix dépasse un salaire moyen t'indique qu'il n'est qu'onze heures, un peu tout pour tes petits oiseaux nocturnes. Pourtant, c'est une tradition chez vous. Habituellement, tu serais agacée. D'ailleurs, ça t'agace de voir que les autres ne sont pas encore là. Mais Babi et Vitani, tu leur pardonnerais tout. Tu serais même capable de faire disparaître le corps de toute personne leur causant du tort. Pour les autres de Bianchi, t'es plutôt la personne leur causant du tort. A croire que la famille, c'est subjectif.

babi se réveille en sursaut. son lit blanc immaculé, king size, trop grand pour elle. elle tourne la tête. non personne avec elle. evidemment elle est seule dans son lit. elle attrape son iphone à coté du lit, il est presqu’onze heures. babi laisse tomber sa tête dans l’oreiller en plume d’oies. elle ferme les yeux. sauf que… elle sursaute une nouvelle fois. on est dimanche, c’est le jour du brunch bianchi. elle saute sous la douche. elle ne prend pas la peine de laver ses cheveux, elle les attache grossièrement et traverse la salle de bain pour son dressing. de toute façon, cheveux propres ou non son père allait trouver quelque chose à redire à propos de babi quoi qu’il arrive, alors… elle attrape dans le placard un tshirt blanc et une salopette en jean. elle enfile ses baskets et plante ses lunettes de soleil sur son nez. onze heures. elle se presse pas plus que ça. padre bianchi tient au sacro-saint brunch familial du dimanche, mais il n’est jamais à l’heure. c’est une tradition chez les bianchi. arrivée au rez-de-chaussé, bb passe par la piscine pour rejoindre le restaurant. l’air de pas regarder, elle vérifie du coin de l’œil si le brun qui lui fait tourner la tête est là ; lui donnant une bonne raison de fuir le brunch. mais non. evidemment, il n’est pas là. ce serait un trop gros hasard. elle arrive dans le restaurant et retire ses lunettes. elle aperçoit son grand frère. elle se précipite vers lui. « comment ça se fait que t’es déjà là ? » elle se laisse tomber sur une chaise de la table réservée à leur nom et attrape un bout de pain. elle est affamée. « t’as dormi avec une fille, c’est ça ? » elle demande. curieuse un peu, mais inquiète quand même de savoir dans quels bras s’abandonne son frère.

heureusement que tu es là, sinon mae ne bougerait pas. tu le secoues, encore et encore, entre deux coups de brosse à dent. s’il y a bien un moment où tu fais particulièrement des efforts vestimentaires, c’est pendant les brunch bianchi. tu ne veux pas passer pour une clocharde devant eux et leur donner une raison de plus de te mépriser. au brunch de qui ? jamais entendu parler des bianchi. avec un nom pareil, ils doivent être sacrément cons. tu lâches, mi-agacée, mi-amusée, avant de sautiller jusqu’à la salle de bain où mae te rejoint plus rapidement qu’il ne s’est éveillé.
vous arrivez quand même en retard. comme d’habitude. ce n’est plus tellement surprenant, à force. tu prends même un malin plaisir à te faire remarquer. au moins, ainsi, ils sont obligés de poser les yeux sur toi (sur vous) et réaliser que tu (vous) existes. tu souris derrière tes lunettes de soleil cheap dont tu es fière, en écartant de la table la chaise qui semble t’être attribuée depuis toujours. y a des fois où t’as envie de les secouer, de leur faire remarquer qu’en changeant de place de temps en temps, vous pourriez faire des brunch de folie. bonjour tout le monde ! sublime journée, n’est-ce pas ? tu t’exclames en te laissant tomber sur ton trône de princesse déchue, en espérant sincèrement que ta présence les énerve déjà. babi, ta salopette est un ravissement pour les yeux. tu lâches encore, avant de te taire. babi tu la détestes, mais sa salopette tu l’aimes vraiment, même si ton ton provocateur laisserait présager l’inverse.