HIGH HOPES (SERRAE)

sa main dans la tienne, les étoiles accompagnées par les lumières artificielles des réverbères tamisant vos épaules et vos cheveux d'un blanc cassé, et la villa qui se rapproche de vous. la villa signant le début de la fin qui encore une fois te laisseras sur le cul. tu sais plus quoi penser, t'as ton coeur qui bat la chamade rien que de penser à ses lèvres sur les tiennes, vos coeurs qui battent à l'unisson, mais ça te donne des frissons rien que d'y penser. (c'est tellement irréel en même temps, une fille aussi belle qu'elle ne peut pas s'offrir à un con comme toi) alors, je te rappelle bientôt ? la villa est juste sous vos yeux. tu baisses la tête, et tu ne peux t'empêcher de la regarder encore, parce que t'as toujours l'impression que c'est la dernière, qu'un jour, elle en aura tellement marre de tes manies de gosse de quatre ans qu'elle s'en ira loin de toi. (frisson, frisson, frisson, gorge nouée, les mains qui tremblent un peu) tu passes ta main dans ta poche avant de lui tendre le billet discrètement, tout en l'embrassant sur la joue pour rendre ce geste plus naturel. (ou juste pour l'embrasser, ressentir sur ta peau brune ses cheveux sauvages un peu ébouriffés senteur tropique, enfin voilà) merci. elle détourne ses yeux pour s'intéresser un peu plus à son salaire, et tu la regardes une fois de plus s'avancer le long de l'allée, jusqu'à ce qu'elle atteigne l'immense porte d'entrée. (t'as peut-être un espoir comme quoi elle se retourne d'un coup, comme ça, qu'elle se mette à courir vers toi en te criant des mots trop beaux, et vous vous enlacerez comme les gens dans les films, un truc joli mais bon) comme d'habitude, les espoirs sont vains, les étoiles se meurent peu à peu de ta tristesse laissant place au brouillard de ton esprit, et tu t'assois sur le banc, avant de sursauter. une fille. une fille qui a sûrement tout vu, qui a sûrement vu le billet refléter la lumière des réverbères. et surtout l'expression sur le visage de florrie quand elle t'a quitté. une espèce de moue un peu triste, un peu dégoûtée par sa nuit, enfin, tu sais pas, tu sais jamais, peut-être était-elle toujours comme ça. (ce qui est sûr, c'est que t'arrives pas à la rendre heureuse, et ça te tue putain) tu regardes timidement la fille d'en face. elle doit te prendre pour le pire des salauds.

t'es assise sur un banc, t'as besoin de calme et de te retrouver un peu seule avec toi-même. mais t'as aussi et surtout besoin de t'évader, de t'en aller, loin, toujours plus loin. tes yeux bougent contre les lettres frappées sur le papier et tu tournes les pages, les unes après les autres. t'as assez de lumière pour continuer, même une fois la nuit tombée. tu sais pas trop depuis combien de temps t'es là, mais la fraîcheur soudaine du soir te fait frissonner. et puis t'entends des voix, des bruits de pas et tu peux pas t'empêcher de jeter un coup d'oeil au couple qui s'approche de la porte de la villa. tu peux pas t'empêcher de te dire qu'ils sont beaux, qu'ils font envie, et tu te replonges sans vraiment en avoir envie dans ton livre, tu le quittes des yeux environ toutes les dix secondes, pour jeter un coup d'oeil au couple qui semblent se dire au revoir. tu vois des billets, tu fronces les sourcils et tu comprends bien vite. ce n'est pas un couple, tu t'étais bien trompée et tu n'avais même pas imaginé à quel point. tu baisses les yeux de nouveau, un peu gêné d'avoir épié la scène, pour le coup et tente de te concentrer sur le livre ouvert sur tes genoux, que t'as à moitié lu pendant ces quelques heures sous le soleil de fin de journée, puis sous les réverbères. ton regard quitte de nouveau les mots lorsque tu entends des fesses rencontrer un autre banc pas loin, celui d'en face en fait. et tu peux pas t'empêcher de voir l'air dépité du jeune homme qui vient de donner les billets à ce qui semble être une belle de nuit. tu souris, un sourire doux mais timide. surtout gêné, en fait. et puis tu lui fais un signe de tête simple et rapide, pour le saluer. tu sais pas trop ce qu'il vient faire ici, tu l'as jamais croisé mais c'est pas très difficile de d'imaginer qu'il puisse être riche et triste à la fois. comme tous les autres. comme ceux que t'as croisé chez Guiseppe lors de cette fameuse soirée. ils se donnent tous un genre, mais maintenant tu sais qu'il ne fait pas bon être riche. tu te lèves doucement, refermant ton livre avant de prendre ton courage à deux mains et de faire quelques pas vers lui. bonsoir., t'ose pas trop t'approcher, tu sais pas comment ça pourrait être pris. tu ne sais pas non plus quoi dire de plus. et tu sais pas pourquoi tu restes plantée là, mais t'aimes pas voir les gens tristes, c'est plus fort que toi, faut que tu les aides. vous... est-ce que ça va ?, tu demandes quand même, t'essaies, après tout. au pire, tu te feras juste rembarrer et t'as l'habitude d'encaisser.

con, stupide, salaud, qu'elle devait penser cette petite fille. rien qu'en la regardant, tu voyais très bien qu'elle connaissait rien du monde, que ce n'était qu'une enfant, elle comprendrait pas. elle doit faire partie du gang des riches un peu cultivée qui lisent la nuit, l'aiguille tournant autour de minuit passée, avec l'accent bien snob, des pupilles qui n'osent même pas se dilater pour notre misérable personne. (misérable) elle doit avoir un mari depuis l'âge de dix ans, cette pauvre gosse, elle a jamais connu la fatale adolescence, celle qui tue. au pire tu t'en foutais de son avis. alors tu continues à regarder tes pieds comme un con, paumes contre tes joues, t'écoutes le sifflement du vent et des marées, le doux silence des douze coups de minuits pesant sur ton être. silence vite brisé par la fille, ta tête se relève d'un coup par pure impulsivité, surpris. (limite choqué) ça va, qu'elle dit. pauvre gosse. si elle savait. tu ricanes, passes ta main dans tes cheveux en détournant ton regard vers les étoiles, tes bras étendus sur le banc. non, ça va pas non. t'as beau rire, t'as beau sourire, mais tes mots ne se voileront jamais la face. et t'as le coeur en miettes parce que quand t'y penses, c'est toi le gosse de quatre ans, c'est toi qui espère comme un con alors qu'au fond y'aura jamais rien. t'as l'impression d'être resté bloqué depuis l'âge de dix ans dans la spirale infernale de l'adolescence, et ça te consume, c'est fou. tu dois me prendre pour le pire des connards après avoir vu ça je suppose. c'était évident, les filles ne sont pas vraiment trop attirées par les mecs qui s'autorisent ce genre de petits plaisir. tu comprendrais pas de toute façon. c'est pas une histoire pour les riches et les princesses comme toi. tu la regardais de haut en bas. ses vêtements n'avaient rien de luxueux ni rien d'autres mais tu supposais qu'elle logeait à la villa, alors elle devait être d'un certain rang social. mais c'est pas du tout ce que tu crois en tout cas tu savais pas pourquoi tu parlais autant (en une minute t'avais juste l'impression d'avoir déballé toute ta vie, peut-être parce que t'étais pas habitué à te confier sur ce genre de trucs) mais t'avais tellement envie de tout lui dire, de a à z, lui raconter les astres et les comètes, puis aussi les engueulades, la noirceur de tes pensées aussi, les coups de cutter droit entre les deux poumons, puis aussi l'entendre dire que t'es bizarre, taré, taré d'elle, de florrie. ça faisait trop longtemps que ça pesait lourd dans ton coeur.

tu restes là, au milieu de l'allée, à le regarder. non, qu'il répond. ça ne va pas, et toi, tu peux pas y faire grand chose. mais tu vois bien qu'il souffre et tu fais une moue différente de la sienne, mais pas si éloignée. tu grimaces, en fait. tu sais pas tellement quoi dire, t'es gênée. c'était pas forcément une bonne idée de lui adresser la parole apparemment. et le voilà qui te demande de façon détournée ce que tu penses de lui. tu ouvres légèrement la bouche, incapable de dire quoi que ce soit. tu n'es pas du genre à juger les gens, au contraire. t'es plutôt du genre à essayer de les comprendre. non, je..., mais t'as pas le temps de finir, il te coupe la parole, te dis que tu comprendrais pas, que c'est pas un truc pour les princesses riches comme toi. t'es choquée qu'il pense un truc comme ça. tu restes bouche-bée une seconde, le laissant finir, avant de lâcher : je suis femme de ménage, en fait., rien à voir avec ses idées de princesses et de porte-feuilles bien remplis. t'es pas du tout de ce genre là, t'es pas quelqu'un de riche, du tout. tu le regardes, prend une longue inspiration. à partir de là..., tu sais pas quoi dire, tu trouves la situation assez difficile. je peux m'asseoir ?, tu demande doucement. sans t'approcher, ni te reculer. tu le laisse choisir, tu sais bien que c'est pas si facile de laisser quelqu'un s'approcher quand on n'en a pas vraiment envie. je ne te juge pas., tu lâches, en soutenant son regard avant de lui lancer un timide sourire. non, tu ne le juge pas, mais t'aimerais comprendre puisque c'est finalement peut-être quelque chose pour toi.

elle a l'air gênée, pas à sa place, elle s'approche, comme si j'étais féroce et sauvage, et elle animal sans défense et serein, avec crainte sûrement. tu veux même pas la regarder, parce que tu te dis que ça servirait à rien. elle a l'air d'insister, elle se dit femme de ménage, et tu relèves doucement les yeux, comme un espoir, ce sentiment dément qui te fait sentir un peu mieux là-dedans. elle te demande si elle peut s'asseoir, tu te contentes de répondre par un léger signe approbateur de la tête, perforant chacun de ses traits du regard. tu la regardes s'installer, lui imaginant une vie, un passé, un avenir. elle mérite pas d'être femme de ménage, celle-là. elle mérite une existence douce faite d'or et de merveilles, ça se voyait. tu peux pas ne pas me juger alors que tu n'sais même pas ce qu'il se passe là-dedans. tu tapotes ta tête du bout des doigts, toujours le dos courbé, coudes sur les jambes. en fait c'est plus dans ta cage thoracique qu'il y'a un problème, t'as oublié comment penser et rêver depuis bien longtemps déjà. femme de ménage. si tu travailles à la villa, le fils du boss doit t'en faire voir de toutes les couleurs, t'as bien du courage. tu supposais qu'elle bossait à la villa, vous étiez posés juste devant, mais peut-être avait-elle pris congés pour s'installer à capri le temps d'un week-end. tu t'adosses contre ton banc, les bras croisés contre ta poitrine. (pour pas que florrie entende ton coeur battre de là où elle est, sûrement)

tu t'assois, parce qu'il a l'air d'être d'accord pour ça. tu souris légèrement, tu sais pas vraiment quoi dire ni quoi faire, et il te perturbe, t'embrouilles. mais il a l'air déjà plus apte à te parler maintenant qu'il sait que tu n'es pas riche. tu te demandes pourquoi, mais t'ose pas le lui demander à lui. tu te contentes de le regarder pendant qu'il t'embrouilles l'esprit. tu hausses les épaules à sa phrase. justement. je ne peux pas te juger, je ne te connais pas., c'est presque logique de le tutoyer, en fait. même si tu te doutes que c'est un peu impoli. mais après tout, c'est lui qui a commencé. et tu te dis qu'arrêter maintenant, ce serait bizarre. il tapote sa tête, c'est vrai que tu ne sais rien de ce qui se passe dans sa tête. tu passes tes doigts dans tes cheveux. et là, ton coeur rate un battement, comme à chaque fois que quelqu'un parle de Guiseppe. il hante ton esprit, et apparemment, celui des autres aussi. mais pas forcément de la même façon. tu bégaie instantanément. je... y'a des jours où..., c'est difficile d'articuler maintenant, c'est difficile de parler de lui. c'est difficile de lui dire. où il est sympa., tu conclues. c'est pas tous les jours, c'est même assez rare, mais ça lui arrive. et ça lui ai aussi arrivé de t'embrasser. et ça te hante jour et nuit. parce que t'as envie de recommencer, t'as envie d'être fixée. qu'on te dise si oui ou non, c'est possible. en fait, je l'aime bien., tu avoues en passant une main sur ton visage. tu minimises les choses, mais tu l'aimes de tout ton coeur. tu l'aimes un peu plus chaque jour, à chaque regard. mais tu vas pas lui dire ça, il a l'air de le détester. il ne comprendrait sans doute pas ton admiration pour ce mec. et tu crois que ce serait normal.

tu te décides enfin à détacher tes yeux des astres couvrant le ciel des soirées de printemps pour te consacrer à la belle brune. et tu manques d'éclater de rire quand tu l'entends se mettre dans tous ses états dès que tes lèvres énoncent le nom de guiseppe ferrarra. elle l'aime bien, qu'elle dit. (elle le dit en écorchant chacun de ses mots, mais elle le dit) tu lâches un rire, c'est tellement irréaliste. woh calme toi. elle était mignonne à toujours vouloir complimenter son patron. enfin, tu bosses bien à la villa médicis ? on parle bien de guiseppe là ? parce que... 'fin tu vois, il est... tu détournes la tête quelques secondes pour réfléchir. un peu spécial disons. tu t'inventes toute sortes de scénarios dans ta tête, peut-être qu'ils vivent une idylle secrète style titanic "le richard et la femme de ménage", peut-être qu'il la maltraite pour qu'elle fasse bien son boulot, peut-être qu'il la paye pour se faire plaisir sans l'autorisation de la belle. (ah non, ça c'est pas lui, c'est plutôt toi, n'est-ce-pas mae) si oui, y'a pas de cameras dans les parages, y'a pas le fils du boss pour te surveiller et te demander de lui jeter des lauriers, donc tu peux te confier à moi sans aucune inquiétude. tu lui souris d'un air moqueur parce que tu sais très bien que parler de son supérieur la mettra dans une position inconfortable. elle paniquera intérieurement, rougirait, béguera, se mettra dans tous ses états. t'arrives à anticiper l'état d'esprit de toutes les personnes qui t'entourent sauf florrie. florrie, tu sais jamais ce qu'elle pense, et encore moins ce qu'elle pense de toi. et c'est pour ça que t'es aussi fou d'elle, peut-être un peu.

il n'a pas l'air de te comprendre, et ça te semble parfaitement logique, au final. oui, Guiseppe est bizarre, des fois. oui, il peut être horrible avec toi. oui, il est ton supérieur, presque le supérieur de tout le monde. oui, il est con quand il s'y met. mais oui, tu l'aimes, tu l'adores, tu l'admires, t'es complètement obnubilée par lui. et lui, il n'a apparemment pas l'air de bien saisir le pourquoi du comment. alors tu le laisses te dire que tu peux lui parler, que tu ne seras pas jugée, que toute chose négative sur lui ne remonteront pas, mais t'as pas grand chose à dire de négatif, au final. une fois qu'il a fini, je décide de parler après avoir fixé le sol quelques minutes. non, c'est vrai... enfin, j'l'aime bien., tu lâches finalement, tu sais pas vraiment quoi dire. beaucoup, en fait., tu reprends à voix assez basse. tu sais pas vraiment pourquoi, mais c'est presque honteux, pour toi. enfin, tu crois. il est... tyrannique des fois. mais il est cool, d'autres fois., genre quand il t'a embrassé, par exemple. mais tu vas ptêtre pas lui dire tout de suite, ce serait ptêtre un trop grand choc. il lui arrive de m'inviter à ses soirées., tu marques une petite pause avant de reprendre. j'ai jamais vraiment compris, parce que... j'suis juste sa femme de ménage, quoi., t'espère que lui, il aura ptêtre une explication, mais toi, t'en as aucune, en fait. et puis c'est si difficile de parler de lui, en fait. et sinon, comment t'as connu Florrie ?, t'aimerais bien changer de sujet, parce que ça te met mal à l'aise, mine de rien. et t'as trop peur de son regard, surtout parce qu'il a pas l'air de vraiment aimer Guiseppe et t'as pas envie de l'ennuyer avec ça, surtout qu'il t'a dit tout à l'heure que ça n'allait pas bien. alors t'aimerais savoir pourquoi, au moins. maintenant que t'as un peu parlé de Guiseppe, c'est à lui de s'exprimer. c'est du donnant donnant, sinon c'est pas drôle.

tu l'écoutes parler, la blonde. elle te parle, mais t'as cette impression d'irréel planant tel des coucous vivants autour de ses mots. on pouvait pas associer le mot "bien aimer", "cool", et "guiseppe", puis tout ça ensemble. tu comprends pas vraiment si c'était plus de l'admiration qui animait le coeur de la jeune femme, de l'amitié, des mensonges, ou tout simplement ce sentiment un peu bizarres que certaines personnes épèle a-m-o-u-r (mot que t'as jamais appris à prononcer mae, tu sais plus comment assembler ton alphabet pour exprimer ton ressentiment envers le monde depuis bien longtemps déjà) mais tout te semble encore plus irréel lorsque tu entends f-l-o-r-r-i-e s'échapper d'entre les lèvres de cette fille. (par contre, ce mot, tu sais très bien le dire, à force de l'entendre hurlé le jour, hurlé la nuit, dans ta cage à oiseau ne réside que "florrie" en lettres majuscules, taille 99894 au moins, en rouge, gras, souligné) t'en oublies presque guiseppe, et tu te mets dans tous tes états. tu relèves le plus doucement possible ton dos du banc (pour pas paraître trop choqué, même si tes yeux ronds comme un univers te trahissaient d'avance) en te retournant vers la blonde. tu... tu connais florrie ? cette soirée prenait une tournure bien plus intéressante, ou bien plus dramatique. deux adultes encore pré-pubères, en plein chagrin d'amour, se racontant leurs aventures émotionnelles comme des adolescentes. hum, on est amis. enfin, à peu près. en fait, je crois que pour elle on est amis. enfin je sais pas. c'est compliqué. tu te perdais entre tes mots parce que tous les deux, vous étiez tellement de choses en même temps, c'est dingue. mais... t'es pas amoureuse du fils du boss quand même ? changement de sujet, encore une fois. vous étiez vraiment comme des adolescentes, à toujours vouloir fuir la réalité, mais à avoir cette pulsion au fond de vous qui vous poussait à aussi toujours vouloir parler de cette réalité. parce que tu savais qu'elle mourrait d'envie de parler de guiseppe. et elle savait très sûrement que tu ne demandais qu'à parler de florrie aussi.

boum. t'as l'impression que ça fait l'effet d'un électrochoc. Florrie, un mot qui le fait réagir directement. il te regarde avec ces grands yeux, ces grands yeux qui veulent tout dire. ceux qui veulent dire "mais qu'est-ce qu'il se passe ?". il se passe que Florrie, tu la connais. il se passe que Florrie, elle est une de tes amies. la question ne tarde pas à venir, reformulée avec ses mots à lui. tu hoches a tête, orné d'un léger sourire. oui, on est amies., tu sais pas trop si c'est une bonne chose, face à lui. mais t'aimerais quand même savoir ce qu'il en est entre eux. elle reste toujours très secrète sur ses sentiments, même envers ses amis. enfin, tu crois que vous êtes amies, c'est même pas très sûr en fait. si Lip témoigne de son affection, c'est beaucoup plus limité venant d'elle. mais il t'explique qu'ils sont amis, enfin peut-être, il est plus très sûr, c'est compliqué. en effet, c'est compliqué, t'en as la forte impression. tu hausses les épaules. elle est jamais très expressive., et c'est même pas pour le rassurer, c'est vrai. mais t'as bien compris que pour lui, c'est différent. et ça se voit dans ses yeux. tu l'aimes bien, pas vrai ?, tu l'as bien compris, et tu sais qu'il te mentirait s'il t'affirmait le contraire. mais il a le droit de te mentir. je dirai rien, si c'est un soucis., tu lâches, histoire que ce soit clair. tu n'es pas le genre de personne à trahir la confiance des gens, t'es quelqu'un de loyal. tu le crois, en tous cas. mais voilà, il embraye sur Guiseppe, le sujet sensible. et sa phrase te fait immédiatement rougir. t'as chaud aux joues, très chaud, c'est terrible. tu regardes le sol. bien sûr que t'en es amoureuse, totalement amoureuse. t'es dingue de lui. mais faut pas le dire. c'est... compliqué, pour moi aussi., tu réponds simplement en posant tes doigts sur tes joues pour tenter de les refroidir en relevant légèrement le menton. tu regardes le banc en face, mais t'es pas mécontente d'en être partie pour autant. il a l'air sympa, Mae. adorable, même. surtout en face de Florrie.

apparemment, elle connaîtrait florrie. ça devrait même pas te surprendre, florrie bosse à l'hôtel comme masseuse, et la blonde est femme de ménage, elles se sont forcément croisées, mais ce qui te surprend le plus c'est qu'elles soient amies. le fauve indomptable, et la brebis égarée à côté, main dans la main, à rire aux éclats, comme les meilleures amies du monde. peut-être que toute cette histoire ne devrait pas te surprendre. peut-être que florrie se fait littéralement chier avec toi, et qu'elle n'a pas envie d'éprouver la moindre sympathie à ton égard, ni t'offrir un quelconque geste qui pourrait être mal interprété par la suite. peut-être qu'en fait, la florrie que tu connais n'est pas du tout celle qu'elle laisse paraître ? tu sais pas, tu sais jamais mae, tu crois tout savoir sur elle, mais tu ne sais rien. rien. elle met le doigt en plein dans l'coeur lorsqu'elle me demande si tu l'aimes bien. tu rougis comme un con. non, tu ne l'aimes pas bien. tu l'aimes, gros comme l'océan qui borde ses yeux à chaque fois qu'elle quitte à client. alors tout d'un coup, vous êtes deux à vous retrouver avec la chaleur des coquelicots aux joues, et ça te fait marrer. vous avez beau avoir l'air d'être aux antipodes tous les deux, mais vous avez tellement en commun. si c'est aussi compliqué que ça, florrie je l'aime sûrement autant que toi tu aimes guiseppe. tu lui souris, en plongeant ton regard dans les yeux de la blonde. c'est-à-dire, vraiment beaucoup. un peu trop, même. tu t'accoudes sur tes cuisses, les poings contre la mâchoire, et tu lèves les yeux vers le ciel. si tu me racontes tout, j'te raconterai tout aussi. cette soirée de merde tourne en magnifique nuit confidence entre deux sales amoureux paumés. tu lâches un léger rire. elle était chou cette blonde, et d'ailleurs, tu ne connaissais toujours pas son nom. ça te faisait tout drôle de te confier autant à quelqu'un dont tu ne connais même pas le prénom. tu renchéris alors plutôt vite. d'ailleurs, je m'appelle mae.

boum. il lit en toi comme dans un livre ouvert. il aime Florrie un peu trop, t'aimes Guiseppe, un peu trop. beaucoup trop. tu rougis à ton tour. tu baisses légèrement la tête. il te racontera tout si tu racontes tout. on dirait que c'est à toi de commencer. tu sais pas trop si c'est une bonne idée, mais t'as envie de vider ton sac, vider ton sac avec quelqu'un qui ne te jugera pas, jamais. parce qu'il est autant dans la merde que toi, apparemment, d'après ce qu'il dit. deux sales amoureux paumés. c'est bien ce que t'es, toi aussi. d'accord., tu consent simplement avec un léger sourire. tu vas lui raconter, mais il a intérêt à tout te raconter aussi. parce que sinon, tu risques de pas beaucoup aimer ça. de toutes façons, il en a trop dit ou pas assez, et t'aurais les moyens de lui faire dire tout ce qu'il a sur le coeur. tu connais Florrie, tu pourrais très bien aller lui raconter, s'il s'enfuyait avec ton histoire sous le bras pour aller la raconter dans toute la villa. mais est-ce que tu oserais ? certainement pas. Mae, s'appelle-t-il. moi c'est Serra., tu réponds avec un nouveau sourire en accrochant ton regard au sien. tu prends une longue inspiration, prête à lui raconter. bon... en fait. je sais pas trop comment c'est arrivé. Guiseppe n'a fait que me martyriser depuis tout ce temps. mais je sais pas, je l'ai toujours bien aimé. beaucoup aimé, même., tu finis par lâcher. il arrête pas de me faire des propositions salaces, tout ça. enfin j'imagine qu'il fait ça avec tout le monde. sauf qu'il lui arrive d'être... super gentil, tu vois ?, et puis tu sais pas comment c'est arrivé, mais il t'a embrassé. et y'a... deux jours ? il m'a invité à une soirée, et en me ramenant devant ma chambre, il m'a embrassé., tu finis, simplement. sauf que c'est pas véritablement fini. mais ça s'est pas arrêté là. le lendemain, il a recommencé à me martyriser comme si de rien n'était, m'a fait croire qu'il ne se souvenait plus du fameux baiser., tu baisses les yeux. il m'a donné rendez-vous dans l'après-midi, a insisté pour m'acheter des habits hors de prix. on s'est un peu disputés, à un moment. parce que je lui ai dit que j'avais pas envie d'être... une parmi tant d'autres, tu vois ?, bien sûr qu'il doit voir, c'est Guiseppe, c'est normal que t'ai eu ce genre de pensées. il a explosé, parce que... je sais pas, il m'a dit pleins de choses, pleins d'exemple de choses qu'il aimerait faire avec moi, ou qu'il a fait pour moi qu'il n'a jamais fait pour personne d'autre., tu soupires. et puis finalement, un peu plus tard, sur la route vers la villa, il m'a proposé d'être... enfin. sa maîtresse., ça aussi, ça donne une super image de Guiseppe. tu sais pas vraiment si t'as vraiment bien fait d'en parler. et j'ai pas su quoi répondre. parce qu'un jour ou l'autre... il va devoir se fiancer à quelqu'un, et ce sera pas moi., t'aurais été naïve de croire le contraire. et j'ai pas su quoi répondre. je sais toujours pas quoi répondre. mais il a pris ça pour un non, de toutes façons., voilà, c'est l'histoire. le plus gros de l'histoire. je suis totalement paumée., tu finis par lâcher.

le surnom "la jolie blonde" s'efface de ton esprit pour maintenant écrire en toutes lettres "serra". pauvre serra que tu penses. tu l'écoutes parler, elle a tellement de choses à dire, tellement de trucs dans son coeur, on dirait qu'elle veut tout dégueuler une fois pour toute. tu bois son flot de paroles, et plus t'entends ses cordes vocales s'user au fil du mot, plus tu te rends comtpe à quel point leur histoire est folle. complètement tarée. au moins, elle, elle a le mérite d'être assez bien pour être aimée en retour par guiseppe. toi, t'es juste un amoureux paumé, transi, foutu, un peu un mélange de toutes les merdes du monde, un bordel. lorsqu'elle lâche son dernier soupir, tu te rends compte que ton regard n'a pas lâché ses yeux océan agité une seconde. scotché jusqu'à la dernière minute. tu finis par pousser un oh wow qui veut pas dire grand chose finalement, mais tu passes encore une fois ta main dans tes cheveux, en calant ton dos sur le banc. tu dois la prendre dans tes bras ? t'excuser pour elle ? mais pourquoi tu devrais t'excuser, t'as rien fait toi. tu devrais péter la gueule de guiseppe ? ce qui est sûr, c'est que t'as aucun conseil à donner, inutile, comme d'habitude mae. sa maîtresse. t'en reviens pas, et tu commences à comparer ta situation avec la sienne. vaudrait-il mieux être aimé en retour, en sachant qu'on est voué à une relation impossible, voire malsaine, ou être juste un adolescent de vingt-deux ans, bientôt vingt-trois complètement dans ses rêves et ses comètes, fou amoureux d'une prostituée qui refuse de s'ouvrir ? tu sais pas, tu sais jamais en même temps. tu sais tellement pas quoi lui dire, après tout c'est vrai, tu ne la comprends pas. tu sais pas ce que ça fait "tout ça" . j'trouve ça tellement bizarre. bizarre, le mot est faible. enfin, je sais pas, à ta place, j'aurais... j'aurais pas supporté qu'on m'embrasse, qu'on me fasse un tas de promesses, pour que le lendemain, ça soit le noir total, même pas un "bonjour", et après il te propose d'être sa maîtresse parce qu'il va se marier avec une autre femme. parce que, à tes yeux, guiseppe, c'était juste un mec avide de fric et de puissance, qui le sait, et qui en profite. peut-être que la femme à laquelle il était promis était grosse, dépressive, pas à son goût, et qu'il profiterait de la naïveté qui crève les yeux de serra. irréel, irréel. c'est frustrant, j'aimerais tellement pas être confronté à ce genre de dilemme. tu détournes le regard devant toi, les arbres, la voûte et ses étoiles enchanteresses. j'croyais que mon histoire de prostituée, d'amour à sens unique était la plus irréelle du monde, mais en fait. puis là, tu repenses à ce que tu viens de dire. t'aurais pas merdé là ? serra savait pour ce que faisait florrie en douce la nuit tombée ? tu serres les poings, t'essaies de paraître nonchalant, t'espères de tout ton coeur qu'elle croit que ta langue a fourché pour dire un magnifique lapsus, et qu'elle pose pas de questions. (mais si c'est le cas, tu sauras jamais si elle sait pour le métier de nuit de florrie, et t'es un peu bloqué dans l'impasse du doute)