blue est brune, à la base. brune, brune. très brune. brune ébène. brune italie. brune comme son père, comme sa mère, comme ses frères et sœurs. blue, elle a jamais voulu ressembler à son père, à sa mère, ou à ses frères et sœurs. alors à force de décolorations, elle a réussi à atteindre un blond polaire qu'elle garde comme une nouvelle identité, depuis des années. maintenant, tout le monde a oublié que ça n'a jamais été sa couleur naturelle ; alors ça l'est devenu. ☆ b. c'est la lettre "b" qui rythme sa vie. blue, bianchi, baia, battagliola, brune, blonde, bébé, bb, bee, belle, bonne, bâtarde ; tous les p'tits noms mignons qu'on lui a donné, tout au long de sa vie. bookeuse, comme son dream job ; bali, comme sa ville préférée ; bonnie, barrow, parce qu'elle a toujours voulu d'une vie un peu comme la leur ; bêtises, parce qu'elle en fait des tas ; et puis ugo. l'intrus. l'exception. qui confirme la règle. pas vrai ? ✮ ugo, c'est son amoureux, sa moitié, son tout, son éternel. son "depuis toujours et pour toujours". ugo, en vérité, c'est le seul mec de sa vie : le seul dont elle a jamais été amoureuse, le seul avec qui elle a couché, ouais, mais ça, elle le dit pas trop fort, d'ailleurs, y a que lui qui l'sait. ce qu'il sait pas, c'est ceux qui lui tournent autour, ceux avec qui elle flirte, ceux qui lui frôlent les lèvres, les lui dérobent, parfois, quand elle se noie dans leurs erreurs, quand elle oublie qu'il en fait plein, quand il s'en va un peu trop loin. ☆ bee, c'est une hypocrite. elle crache le fric de papa, mais elle en a besoin, elle en a envie ; elle ferait quoi, sinon ? ça paye pas, photographe de misère, même si ces photos sont jolies ; et puis ça marche pas, sa carrière chez les grandes blondes fines belles. elle trouve pas. alors elle prend le fric, elle pioche dans l'océan de billets, la galaxie qu'il a sur son compte en banque et elle lui dit putain, j'ai pas besoin d'tes thunes, la menteuse. ✮ elle a une famille étrange. elle est grande, et c'est sûr que ceux qui les voient, comme ça, ils doivent les envier, de loin. mais à l'intérieur, c'est autre chose. c'est festen ; c'est un été à osage county ; c'est douze hommes en colère aux repas de familles. c'est mensonges et faux-semblants, c'est coups bas, coup d'massue, coup d'vent. et puis, dans tout ce fouillis, derrière ce brouhaha, y a mae. et sa sœur. et c'est tout, pour elle. ☆ maman battagliola n'est pas comme les autres femmes de papa bianchi. ouais, maman battagliola, c'est une psychotique névrosée ; elle est toujours folle amoureuse de lui et s'y accroche comme un écureuil à sa noisette. elle veut toujours s'inviter, dès que les bianchi-battagliola vont le voir. elle en est dingue, quoi, et blue, ça l'exaspère. elle est assez proche de sa famille mais parfois, on dirait que c'est elle la mère, elle la responsable ; qu'elle s'occupe de sa maternelle comme d'une gamine naïve qu'il faudrait réveiller. maman, il t'aime pas, il t'a jamais aimée. basta. ✮ à force de poursuivre son rentre-dedans, maman battagliola a quand même réussi à se retaper papa bianchi, par-ci, par-là. ça lui a valu deux autres gosses derrière blue, même. deux jumeaux, plus jeunes, hyperactifs, insupportables. ces deux mini-elle, en fait. elle les aime, hein, faut pas croire le contraire. mais putain, qu'est-ce qu'ils sont chiants. ☆ ugo, son nom de famille, c'est corleone, comme dans les parrains. blue, elle se moque de lui, de temps en temps ; ce qu'elle dit moins, c'est qu'elle rêve de l'épouser, rien que pour ça. blue corleone. perdre bianchi, une bonne fois pour toutes ; imposer son respect ; acheter un gun ; (en plastique) ; faire peur ; et rigoler. ✮ vous vous posez peut-être la question : mais d'où, diable, lui vient son prénom ? non ? parce que, elle, elle a passé sa vie à se demander. c'est pas italien, non. "baia-blue" c'est juste parce que sa mère se prend pour ce genre de stars qui nomment leurs enfants n'importe comment ; p't-être qu'elle voulait lui assurer un futur pas trop compliqué à hollywood. loupé. en attendant, blue préfère celui-ci à "baia" donc elle s'en plaint pas. ☆ bebe, elle a sauté le cm2. si si, elle est passé directement du cm1 au collège. elle a perdu ses copains sur le coup, mais elle s'en est vite trouvé d'autres, et puis, ça lui a permis de rencontrer ugo en arrivant au lycée, et ça, elle l'échangerait pour rien au monde

#1. tu connais l'italie ? ouaip, surtout la sicile, en fait. mis à part ça, j'ai fait milan pour la fashion week, venise, une fois, avec ugo, rome, une fois, avec ugo, et capri, du coup. c'est tout. moi j'veux voir le reste, naples, ravello, florence, toute la toscane, tout. #2. et capri, t'en penses quoi ? j'aurais pu adorer, vous méprenez pas. c'est magnifique et tout. mais bon. ce que vous ressentez quand vous allez chez vos grand-parents dans la creuse, c'est un peu ce que je ressens, maintenant, quand j'retrouve la famille à capri. ça donne pas envie d'aimer l'endroit plus que ça. #3. la villa médicis, t'y es pour quelle raison ? vacances familiale habituelle. tous les ans depuis que j'en ai dix-huit, je me dis que je vais refuser. faire autre chose, pour une fois. mais y a les sous de papa, et puis la bouille de mae, qui m'passent pas la tête. j'peux pas refuser, il a tout fait pour qu'aucun de nous n'ose se désister. #4. tu penses y rester ? ben, le temps des vacances quoi. puis tous les ans jusqu'à la fin de ma vie. mais cette année, j'ai ramené mon keum avec moi. histoire d'avoir un soutien moral, déjà. mais aussi pour ramasser un peu les pots-cassés. alors pour une fois, ouais, j'aimerais bien y rester, jusqu'à ce que ça aille mieux, quoi. #5. quels sont tes plans dans les jours à venir ? bronzer. dormir. m'exploser le bide. faire des randonnées. prendre des photos. continuer à envoyer des cvs un peu partout. faire des p'tits cadeaux à ugo. faire des crasses à vivi, bb et luca. (ils l'ont mérité, j'crois). bousiller les repas de famille, avec les jumeaux lyonnais. surveiller ugo, mais pas trop, j'voudrais pas passer pour une parano. appeler maman, mais j'vais oublier, c'est sûr. ne pas finir trop saoule. si, finir complètement saoule.

Elle te regarde, elle te dévore et tu t’enflammes ; dehors,
ça canarde de froid, belle bâtarde en émoi, elle veut ton corps
elle t’embrume et te plait, ton cœur de pâte à modeler, trépasse
la nuit laisse place au jour, la pluie essuie l’amour, et tu l’oublies : elle passe.

Ce soir encore, blondie pense à ces filles, qui, le temps d’une nuit, prennent sa place. Sa lui pourrit la vie, ça lui gâte l’esprit, elle perd souvent la face. Elle voudrait faire comme celles qui s’en fichent, qui s’enfuient, aussi, et rendent la pareille. Mais bébé prend peur, fait semblant d’être honneur, elle triche, potiche : un baiser et c’est fini, rentre, et tombe de sommeil.
Ce soir, pourtant, c’est différent. Blue a quitté la chambre, parce qu’elle ne voulait pas qu’il la voit pleurer, encore. C’était son idée, de l’emmener ici, elle voulait croire que ça irait mieux, grâce à Capri. Mais Capri n’a jamais finit d’enfouir les rêves sous des faux-semblants, des vrais désagréments. C’est pas sa faute, à Ugo : il a rien fait de mal, depuis qu’ils sont là ; du moins, elle croit ? Mais c’est plus fort qu’elle, plus fort que ça, elle craque dès que ça remonte à son esprit, noue sa gorge, noie ses yeux. Mais elle pleurera plus devant lui. Il faut qu’il croie que ça va. Qu’elle oublie, petit à petit. Parce qu’autrement, on fait quoi ? On fait quoi si ça passe pas ? On se l’avoue ? On se le dit ? Qu’on peut plus vivre comme ça. Et puis on dit « fin » et « à une prochaine fois » ? C’est pas nous ça. Nous, on se bat. On avoue pas si ça nous brise. On cache le feu en soi, on calme les crises. Blue garde la tête haute, devant lui. Des fois, elle essaye de lui faire aussi mal, mais elle arrive pas, Bee, elle arrive pas à en vouloir un autre que lui.
Jusqu’ici.
Parce que ce soir, y a un joli garçon au bar, et elle explique pas pourquoi, elle se fait lione qui guette sa proie. Si elle le lâche des yeux, il risque de s’envoler. Je te verrouille, et je te cloue. Regarde-moi. La lyonnaise, elle le voit bien. La lyonnaise, c’est la seule qui le sait. Alors elle lui dit « j’te couvre », et Bébé sourit. Blondie se lève, poussent les ailes qui lui permettent d’avancer. Se cale à ses côté. Pourquoi il est tout seul ? Il est trop mignon pour être tout seul. « Je viens d’arriver. J’suis là pour affaire. » évasif. Et ça lui plaît. Et ça lui fait peur. Elle aussi veut la jouer mystérieuse, fantôme du soir, sans trop en dire, sans rien dire de vrai. Ce soir, Blue s’appelle Valentina. Ce soir, Blue est une globe-trotteuse-romancière qui vit dans son van, pas qu’elle manque de moyen, juste qu’elle aime dormir près de la mer, ou au bord des falaises. Ce soir, Blue est céli…
Non.
Rien.
Elle arrive pas.
C’est injuste, c’est presque. Pas bien ? Alors d’accord, c’est vrai, elle a un copain. Mais son copain n’est pas là, c’est un musicien, et il en tournée. Ou ça ? En Australie, c’est assez loin. Non, il la rejoint pas. Elle est ici avec des amis. Son nom ? Leo. « C’est un chanceux. » J’en sais rien, qu’elle pense.  
Il est là, tous les soirs où elle y est aussi. Et puis, le jour, il disparaît. Comme s'il n'avait jamais existé, comme si elle l'avait juste inventé. Il est lunatique, même parfois plus que ça. Certains jour, c'est à peine s'il la reconnaît, sûrement qu'il veut pas lui parler. Des fois, il est avec d'autres filles, ça l'énerve, blondie. Pas qu'elle est jalouse, ça, elle a déjà fort à faire ailleurs. Mais parce que, quand c'est le cas, il lui lance des regards, et elle sait ce qu'ils veulent dire "t'es pas cap". T'es pas cap, qu'il lui crie en silence.
Il a raison.
Alors,
Elle retourne à sa chambre. Et elle plonge ses yeux dans ceux du brun, de toutes ses forces, de toute son âme, réveille-toi. fais nous marcher. Un murmure « J'suis désolée. » et Ugo fronce les sourcils. « J'y arrive pas. » ça veut tout dire, et rien à la fois. Et puis quoi qu'il comprenne, ça voudra dire autre chose. J'y arrive pas. J'arrive pas à te faire du mal, pourtant dieu sait que je t'en veux ; j'suis incapable de m'faire la malle, j'y crois trop fort, à nous deux.